Jeudi, 19 janvier 1792, vers 11 heures du matin.
Voilà mon dîner fait et mangé,
bonne mémère ; je reviens vers vous. Nous sommes ici dans une maison où il y
a cinq personnes qui n'entendent absolument pas un mot de français, et il est
bien difficile de s'expliquer ; mais ces Allemands paraissent bonnes gens.
Je viens d'apprendre une bonne nouvelle : nous manquons de
vivre pour demain. J'ai aussitôt demandé la faveur d'aller aux provisions à Sierck. Je partirai donc demain de grand matin, et à sept heures, j'aurai la
lettre de mémère. En revenant, je la lirai et la relirai chemin faisant, et
puis, je la relirais encore ici…
Portrait de Mme Durival, dite "mémère", mère adoptive de Joseph-Louis-Gabriel NOEL
Ah ! Si mémère était ici, elle trouverait
qu'il fait bien trop chaud ! Je suis dans un poil qu'ils appellent "schtouffe", et en
effet on n'y étouffe. Que voilà bien la façon pesante des Allemands ! Pour
avoir chaud, ils aiment sentir la chaleur à en mourir, comme il faut qu'un
ivrogne s'enivre quand il boit.
Notre service ici consiste à faire patrouille de temps
en temps pour voir si il ne se passe rien de nouveau. On fait aussi plusieurs
de ces patrouilles la nuit. Notre consigne est d'avertir à Sierck s'il se
présentait des troupes ennemies et de nous replier tous en silence sur la ville
dans le cas où la force qui se présenterait serait fortement supérieure à la nôtre.
Nous devons aussi prêter main forte aux employés s'il en était besoin.
Ouf ! On étouffe dans la schtouffe ; nous allons faire une
petite tournée ; ensuite je reviendrai près de vous.
Source : Au temps des volontaires - 1792, lettres d'un volontaire de 1792 (Joseph-Louis-Gabriel NOEL), par Gabriel NOEL, Plon-Nourrit, 1912
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