Vendredi, 20 janvier 1792. Poste d'Apach, cinq heures
du soir.
Après le dîner du matin, sur les 11 heures, nous avons eu un avis de
la part du capitaine que Monsieur Paignat allait arrivé à Sierck et que je de là il viendrait visiter le poste d'Apach. Nous avons fait en conséquence et à la hâte une espèce de toilette et nous avons attendu toute la journée monsieur Paignat qui n'est pas venu. Je n'étais pas bien curieux de le voir. Me voici
seulement tranquille et je viens passer avec vous ce bon moment.
Portrait de Mme Durival, dite "mémère", mère adoptive de Joseph-Louis-Gabriel NOEL
Je vous remercie des détails que vous me tenez sur la
manière dont vous employez votre temps. Vous êtes bien heureuse, ma chère sœur,
de n'être pas séparer de mémère. Je vois d'ici dans votre chambre, ma bonne
sœur, avec les fenêtres ouvertes et le soleil d'hiver. Mémère y vient-elle quelques fois, dans cette chambre ? Y est-elle déjà venue les dimanches matin ?
Il me semble, ma sœur que vous ne faites pas trop bien vos affaires et que vous
avez mal vendu votre blé. Vingt livres de Lorraine, ce n'est pas assez. Comment
avez-vous fait cela et avez-vous tout vendu à si mauvais prix ? C'est
aujourd'hui jour de fête à Apach et tous les habitants sont allés à la messe et à vêpres à Perl. C'est aussi fête à Perl. Aussi les récollets de Sierck y sont allés en fort grans nombre et l'on doit à la vérité de dire que
plusieurs sont revenus ivres : ce n'est pourtant pas là ce qu'enseigne la
religion. L'autre jour, j'étais en faction à la porte de Trèves et j'ai fait à
un de ces bon pères une farce pour laquelle vous allez me gronder, mémère. Je
sais que j'ai eu tort et je vous en demande pardon. La consigne est de ne laisser
entrer aucun étranger sans en avertir au corps de garde. Je vis venir un bon récollet et je voulais m'amuser un peu à ses dépens. Je l'arrêtai donc au
passage, lui demandant sévèrement s'il était de la ville ; le pauvre homme, effaré par
mon aspect terrible, eut grand'peur et ne savait me répondre ni oui ni non. Ce fut
là toute ma méchanceté. Je le sais, j'ai eu tort. Grondez-moi. Bonsoir, mémère et ma
bonne sœur. Nous allons faire une ronde pour terminer la journée.
Source : Au temps des volontaires - 1792, lettres d'un volontaire de 1792 (Joseph-Louis-Gabriel NOEL), par Gabriel NOEL, Plon-Nourrit, 1912
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