mardi 20 mars 2012

L’armistice

Le 11 novembre après-midi, je suis au café avec un camarade, vers 16 heures, lorsque les cloches sonnent et les voitures de pompiers parcourent la ville, un clairon sonnant à chaque carrefour pour annoncer l’Armistice.

Signature de l'armistice en 1918

Aussitôt, c'est la grande liesse et, pour mes parents, c'est la fin de leurs angoisses. Je pars à la fin de ma permission, le 13 novembre avec le sourire. À Paris, par où je passe, la liesse est inimaginable.

Après quelques difficultés, je retrouve ma batterie dans un petit bled près de Mourmelon. Les langues vont bon train et l’on pense à notre division pour faire l'entrée à Strasbourg avec l'armée Gouraud dont elle a dépendu tous ces derniers temps.

Hélas ... au lieu de Strasbourg on nous envoie à Mourmelon... La rouspétance est générale. On s'en aperçoit en haut lieu et nous allons cantonner à Dizy-Magenta, un faubourg d'Épernay où nous avons déjà été au repos, ce qui est plus agréable. J’apprends que je suis cité pour la troisième fois, à l'ordre du régiment avec la citation suivante :

« Officier plein d’allant et d'un beau courage. S'est présenté comme volontaire pour aller en liaison auprès d'un bataillon de chasseurs du 28 mai au 1er Juin dans le secteur de Dickbusch (Belgique) au moment d'une attaque ennemie. S'est dépensé sans compter avec un mépris complet du danger et a su, grâce à son énergie, fournir de précieux renseignements au commandement méritant l'éloge de l'infanterie. S'est signalé récemment encore au cours de combats sur la montagne de Reims, et près de Tahure donnant, sous de violents bombardements, un bel exemple de sang froid et de cran, en particulier le 23 juillet et le 30 septembre 1918. »

Après l'affaire de Dikbusch, j'avais su que j'avais été retenu le seul officier pour le régiment, en vue d'obtenir la Military Cross anglaise. Finalement, la décoration fut attribuée à un officier de l'Etat-Major de la division qui n'avait pas été spécialement exposé, mais était bien placé pour se servir. Ainsi finit pour moi cette guerre, sans que j'ai reçu la moindre égratignure quoiqu'ayant été dans une unité particulièrement exposée.

Dure expérience, mais très enrichissante qui m'a permis d'apprendre à me contrôler, à connaître des hommes de toutes conditions dans des circonstances où les caractères se révèlent sans aucune dissimulation possible. Et puis... J'avais vingt ans, aucune charge de famille; si je venais à disparaître, je savais que c'eut été un coup très dur pour mes parents, mais je ne laissais derrière moi ni femme, ni enfants.

J'ai été très protégé, comme le montre le récit qui précède, mais je pense avec émotion à tous ceux de mes chefs, de mes camarades et de mes sous-ordres qui n'ont pas eu la même chance et ont payé de leur vie la défense du Pays.

Source : Quelques souvenirs de la guerre 14-18, par Joseph BERNARD-MICHEL

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