samedi 7 janvier 2012

Procès de condamnation de Jeanne d'ARC

Si vous voulez connaître Jeanne d'ARC, mais la connaitre réellement !!! Pas à travers des caricatures ou des élucubrations diverses, lisez son procès de condamnation. L'intérêt, c'est que les textes sont bruts. Ce sont les réponses de Jeanne d'ARC au moment du procès qui sont gravées sur le marbre.

A travers ses réponses aux questions des juges, vous vous ferez votre propre idée. Etait-elle folle ? Etait-elle illuminée ? En tous les cas, ce qui est sûr, c'est que sa personnalité transparait de façon magistrale dans les minutes de son procès.


Quelques extraits, plus particulièrement ciblés sur Jeanne d'Arc et sa famille :

p13-14 :
Mgr Cauchon : vos nom et surnom ?

Jeanne : Chez moi, on m’appelait Jeannette. Depuis ma venue en France, Jeanne.

Mgr Cauchon : Lieu de naissance ?

Jeanne : Domremy, qui ne fait qu’un avec Greux. A Greux est l’église principale.

Mgr Cauchon : nom de votre père ? de votre mère ?

Jeanne : Mon père s’appelait Jacques d’Arc. Ma mère, Isabelle.

Mgr Cauchon : où avez vous été baptisée ?

Jeanne : en l’église de Domremy.

Mgr Cauchon : parrain ? marraine ?

Jeanne : une de mes marraines s’appelait Agnès, une autre Jeanne, une autre Sibylle. Un de mes parrains s’appelait Jean Lingué, un autre Jean Barrey. J’ai eu encore d’autres marraines, à ce que disait ma mère.

P18 :
Jeanne : …Quand j’étais chez mon père, je m’occupais des affaires du ménage ; je n’allais pas aux champs avec les moutons et les autres bêtes.

P20-21 :
Jeanne : La voix me disait de venir en France … Je lui répondis que j’étais une pauvre fille qui ne savais ni aller à cheval, ni faire la guerre. Et puis j’allais chez mon oncle ; je voulais y rester quelques temps. J’y demeurai à peu près huit jours. Je dis à mon oncle qu’il me fallait aller à Vaucouleurs. Et mon oncle m’y conduisit.

P36 :
Maître Beaupère : Meniez-vous paître les bêtes ?

Jeanne : Je vous en ai déjà répondu autre part. Quand je fut grande, après l’âge de raison, en général je ne gardais pas les bêtes, mais j’aidais à les mener au pré, et à un château qu’on appelle l’Isle, quand on avait peur des gens de guerre. Je ne me souviens pas si, dans mon jeune temps, je les gardais ou non.

P37 :
« Et c’est un grand arbre, appelé le Fay, … Les vieux racontaient que les fées y venaient bavarder. J’ai entendu la Jeanne Aubry, qui était la femme du maire et ma marraine, à moi qui vous parle, je l’ai entendu raconter qu’elle y avait vu des fées.

P38 :
Jeanne : Il y a aussi un bois, on l’appelle le Bois-Chenu ; on le voit de l’huis de mon père, il est à une demi-lieue. Je n’ai jamais ouï que les fées y vinrent bavarder ; mais mon frère racontait qu’on disait à Domremy : « la Jeanne a pris son fait auprès de l’arbre des fées ». C’était faux. Je lui ai dit le contraire. Et quand je vins devers le roi, il s’en trouvait qui demandaient si dans mon pays on connaissait un bois appelé le Bois-Chenu : parce que c’était de là que, selon certaines prophéties, devait sortir une fille qui ferait des miracles. Mais moi, Jeanne, je n’y ai pas cru.

P48 :
Jeanne : … J’avais une épée, que j’avais reçue à Vaucouleurs. Quand j’étais à Tours ou à Chinon, j’ai envoyé chercher une épée qu’il y avait en l’église de Sainte-Catherine de Fierbois, derrière l’autel ; et on l’a trouvée sur-le-champ, toute rouillée.

Maître Beaupère : Comment saviez-vous qu’il y avait là une épée ?

Jeanne : L’épée était sous terre, toute rouillée ; il y avait dessus cinq croix gravées. L’est par mes voix que j’ai su qu’elle y était, je n’avais jamais vu l’homme qui l’alla chercher. J’écrivis au clergé du lieu de bien vouloir me la laisser ; ils me l’envoyèrent.

P50 :
J’ai offert une épée et une armure à Saint-Denis, mais pas celle-là. Je l’avais à Lagny, et de Lagny à Compiègne, j’ai eu l’épée du Bourguignon, qui était une bonne épée de guerre, bonne à donner « de bonnes buffes et de bons torchons ». Vous dire où j’ai laissé l’autre, cela ne regarde pas le procès, et je ne répondrais pas.

Ce sont mes frères qui ont mes biens, mes chevaux, mon épée, à ce que je crois, et d’autres choses qui valent plus de 12000 écus.

P51 :
Je portais moi-même mon étendard, quand j’attaquais, pour éviter de tuer personne. Jamais je n’ai tué personne.

P64 :
Le juge : Et vous, Jeanne, portiez-vous des bagues ?

Jeanne : Vous m’en avez pris une. (à Mgr Cauchon) Rendez-la moi ! (au juge) Les Bourguignons en ont une autre. Si vous l’avez, veuillez me la montrer.

Le juge : Qui vous avait donné l’anneau qu’ont les Bourguignons ?

Jeanne : Mon père ou ma mère. Il devait y avoir dessus les noms écrits de Jhésus et de Marie. Je ne sais pas qui les avait fait mettre ; il n’y avait pas de pierre précieuse, autant que je me souvienne. L’anneau, on me l’avait donné à Domremy. Mon frère m’en donna un autre, c’est vous qui l’avez et je vous charge de le donner à une église.

Jamais je n’ai guéri personne avec mes bagues.

P95 :
Maître Jean de la Fontaine : L’étendard que vous portiez, était-ce celui où était peint le monde, avec les anges, et caetera … ?

Jeanne : Oui, je n’en eu jamais qu’un.

Maître Jean de la Fontaine : Qu’est ce que cela voulait dire, de peindre Dieu tenant le monde et ses deux anges ?

Jeanne : Sainte Catherine et Sainte Marguerite me dire de le prendre, de le porter hardiment, et d’y faire mettre en peinture le roi du ciel. Je le dis bien à mon roi, mais très à contre-cœur. Ce que ça signifie, je n’en sais rien.

Maître Jean de la Fontaine : Aviez-vous point écu et armes ?

Jeanne : Non, jamais. Mais le roi donna des armes à mes frères : un écu d’azur, avec deux fleurs de lis d’or et une épée par le milieu ; et en cette ville, ce sont ces armes-là que j’ai décrites à un peintre qui m’avait demandé quelles armes j’avais.

Ce fut donné par le roi à mes frères pour leur plaisir, sans requête de ma part, et sans révélation.

P96 :
Maître Jean de la Fontaine : Qui vous avait donné ce cheval ?

Jeanne : Le roi, ou ses gens, qui me donnèrent de l’argent du roi ; j’avais cinq coursiers payés par le roi, sans compter les trottiers qui étaient plus de sept.

Maître Jean de la Fontaine : Avez-vous jamais eu d’autres richesses de votre roi que ces chevaux ?

Jeanne : Je ne demandais rien au roi, sauf de bonnes armes, de bons chevaux et de l’argent pour payer les gens de mon hôtel.

Maître Jean de la Fontaine : Aviez-vous pas de trésor ?

Jeanne : Dix à douze mille écus que j’ai vaillants, ce n’est pas grand trésor pour mener la guerre ; c’est peu de chose ! Je pense que ce sont mes frères qui les ont. Ce que j’ai, c’est de l’argent propre du roi.

P102 :
Maître Jean de la Fontaine : Quand vous avez promis à Notre-Seigneur de garder votre virginité, était-ce à lui que vous parliez ?

Jeanne : Il devait bien suffire de la promettre à ceux qui étaient envoyés de par lui, à savoir Sainte Catherine et Sainte Marguerite.

Maître Jean de la Fontaine : Qu’est-ce qui vous poussa à faire citer un homme à Toul, en rupture de promesse de mariage ?

Jeanne : Je ne le fis pas citer ; c’est lui qui me fit citer. Et je jurai devant le juge de dire la vérité, que je ne lui avais pas fait de promesse.

Dès la première fois que j’ouïs la voix, je fis vœu de virginité tant qu’il plairait à Dieu. J’avais treize ans environ. Et mes voix m’assurèrent que je gagnerais mon procès.

P103 :
Jeanne : … Et surtout, j’avais très peur de mon père, qu’il ne m’empêchât de faire ce voyage.

Maître Jean de la Fontaine : Et vous croyiez bien faire, en partant ainsi sans le congé de votre père et de votre mère ? Et l’honneur qu’on doit aux parents, alors ?

Jeanne : pour out le reste, je leur ai bien obéi, excepté pour ce départ. Mais depuis, je leur ai écrit, et ils m’ont pardonnée.

Maître Jean de la Fontaine : Mais quand vous avez quitté votre père et mère, pensiez-vous point pécher ?

Jeanne : Puisque Dieu le commandait, il fallait le faire. Puisque Dieu le commandait, eussé-je eu cent pères et cent mères, eussé-je été fille de roi, que je serais partie.

Maître Jean de la Fontaine : Avez-vous demandé à vos voix s’il fallait avouer votre départ à votre père et à votre mère ?

Jeanne : Pour ce qui est de mon père et de ma mère, elles étaient assez d’avis de leur avouer, n’eut été la peine qu’ils auraient eue si je leur avais dit. Mais moi, je ne le leur aurais avoué pour rien au monde. Les voix s’en rapportaient à moi de le dire à père ou mère, ou bien de me taire.

P106 :
Maître Jean de la Fontaine : Parlez-nous des songes de votre père.

Jeanne : Quand j’étais encore avec mes père et mère, il me fut dit plusieurs fois, par ma mère, que mon père avait rêvé que je m’en irais, moi sa fille, avec les militaires ; et ils avaient grand soin de me bien garder, mon père et ma mère ; ils me tenaient en grande sujétion. Et j’obéissais à tout, sauf au procès de Toul, pour l’affaire du mariage.

J’ai ouï dire à ma mère que mon père disait à mes frères : « si je croyais que la chose que j’ai rêvée d’elle arrivât, je voudrais que vous la noyiez ; et si vous ne le faisiez pas, je la noierais moi-même ».

Peu s’en est fallu qu’ils ne perdissent le sens, quand je fus partie à Vaucouleurs.

P132 :
Le juge : Prenez habit de femme, purement et simplement.

Jeanne : Baillez moi un habit comme une fille de bourgeois, c’est-à-dire une houppelande longue, et je le prendrai ; et même le chaperon de femme, pour aller ouïr la messe

P149 :
Le juge : L’anneau où il y avait écrit : « Jhésus-Maria », de quelle matière était-il ?

Jeanne : Je ne sais pas au juste ; s’il était d’or, ce n’est pas de l’or fin ; je ne sais s’il est en or ou en laiton. Il y avait trois croix dessus, me semble-t-il, mais pas d’autre signe que je sache, excepté Jhésus-Maria.

Le juge : Pourquoi donc était-ce que vous regardiez volontiers cet anneau quand vous partiez en opérations ?

Jeanne : Par plaisir, et en l’honneur de mon père et de ma mère. Et moi, avec mon anneau au doigt, j’ai touché Sainte Catherine qui m’apparaissait !

Source : procès de condamnation de Jeanne d’Arc, Raymond Ourcel

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