lundi 10 mai 2010

Le baron Louis-Michel ALMERAS-LATOUR, un magistrat éminent du XIXème Siècle


Après avoir étudié le droit et fait ses premières armes au barreau de Vienne (son inscription au tableau de stage est du 12 décembre 1831), il entre dans la magistrature et fut d’abord substitut du procureur du roi au tribunal de Saint-Marcellin le 14 octobre 1834, puis à celui de Valence en mars 1837.

Portrait du baron Louis-Michel Alméras-Latour

En 1842, vivement épaulé par « le ministère », il est candidat à la députation et sollicite les suffrages des électeurs de l’arrondissement de Valence, où il réside, mais il n’est pas élu. Il poursuit sa carrière judiciaire à Grenoble comme substitut du procureur général le 16 octobre 1843, avocat général le 6 janvier 1849, premier avocat général le 27 octobre 1852, et à ce titre, dans le procès de Mlle de LAMERLIERE contre l’abbé DELEON à propos des apparitions de la vierge à la Salette : il conclut à la condamnation de DELEON le 27 avril 1857.

Il devient ensuite président de Chambre de la même Cour le 17 avril 1861. Le 28 mars de l’année suivante, il est élu par l’académie delphinale comme membre résidant (on le dira plus tard titulaire), mais ne sera jamais reçu. Son « entier dévouement à l’empereur Napoléon III et sa dynastie » lui vaut d’être nommé par celui-ci premier président de la cour impériale de Metz le 23 novembre 1862, puis officier de la légion d’honneur le 12 août 1865.

Le reste de sa carrière judiciaire se déroule à Paris où il est nommé conseiller à la Cour de cassation le 20 juillet 1867. Il devient par la suite doyen de la Chambre des requêtes de cette Cour. Juge suppléant de la chambre de jugement de la haute cour de justice, il siège au procès de Blois, en 1870, où est jugé le prince Pierre BONAPARTE. Membre du tribunal des conflits de la Cour de cassation le 19 mars 1877, il est admis à la retraite le 28 août 1866 et nommé conseiller honoraire.

Par lettres patentes du roi Charles X, du 16 novembre 1828, il avait été créé baron par confirmation et reversion du titre que son oncle à la mode de Bretagne et parrain, le général Louis ALMERAS, lui avait légué par testament.

Armoiries du baron Louis-Michel Alméras-Latour

Louis-Michel ALMERAS-LATOUR, décédé à Tullins le 17 janvier 1900, laissa une fille unique qui épousa Louis SEROT, magistrat. Un décret du 16 avril 1876 autorisa celui-ci et ses enfants à joindre à leur nom celui d’ALMERAS-LATOUR.

Source : Une famille Viennoise au XVIIème et XIXème siècles : les Alméras et leurs alliances, par Roger DUFROID.


Au moment de sa retraite, un article du Dauphiné (daté du 8 août 1886) parle de lui en ces termes :

On lit dans la Justice : hier, pendant l’audience de la chambre des requêtes, s’est produit un incident auquel donnait lieu la retraite imminente de M. le conseiller ALMERAS-LATOUR, le vénérable et savant doyen de cette chambre et de la cour entière. A un moment donné, Me Stanislas Brugnon, président de l’ordre des avocats à la cour de cassation, après avoir rappelé, au cours d’une plaidoirie, un remarquable rapport de M. ALMERAS-LATOUR sur une affaire analogue, ajoute : « Et puisque je viens de prononcer le nom de votre vénéré doyen, permettez moi, messieurs, avant de nous séparer de lui, de vous dire que notre barreau s’associe de tout cœur aux regrets de la cour qui le suivront dans sa retraite. Notre ordre a pu apprécier en toutes circonstances son profond savoir, la droiture et la rectitude de son jugement, sa haute impartialité et sa constante bienveillance pour notre barreau. Je suis donc sûr d’être l’interprête de tous nos confrères en lui exprimant nos plus sympathiques regrets et nos sentiments de profond respect ». M. le président Bedarrides et M. l’avocat général Petiton se sont ensuite levés et se sont associés aux sentiments exprimés par Me Brugnon.

Signature de Louis-Michel Alméras-Latour


Au moment de son décès, un article du Dauphiné (daté du 28 janvier 1900) parle de lui en ces termes :

le baron ALMERAS-LATOUR, conseiller honoraire à la Cour de cassation, ancien premier président à Metz, vient de mourir à Tullins où il s’était retiré après son admission à la retraite. Ses débuts dans la magistrature eurent lieu à la Cour d’appel de Grenoble, près de laquelle il remplit pendant longtemps le fonctions de premier avovat général. Il épousa, en notre ville, Melle CHARMEIL, fille du président de cette Cour. Fils d’un ancien député de l’Isère à la convention nationale et au corps législatif, il était le neveu et l’héritier du titre du baron d’Alméras, général qui mourut gouverneur de Bordeaux sous la restauration. Cette famille, d’origine espagnole, a compté parmi ses membres René d’Alméras, exécuteur testamentaire de Catherine de Médicis et collaborateur dévoué de Saint-Vincent-de-Paul. Pendant longtemps, le défunt conserva une situation prépondérante, due à sa haute réputation de jurisconsulte éminent.


Dans les croquis révolutionnaires, Mr POF dresse un portrait plutôt flatteur de Louis-Michel ALMERAS-LATOUR :

Un mot sur
M. LE CONSEILLER ALMÉRAS-LATOUR
l'un des jurés suppléants de la Haute-Cour. Cela me plaît de dire ce mot, parce qu'il m'est vraiment très-doux de rendre hommage aux qualités des gens que je ne connais pas. Ou je me trompe fort, ou M. le conseiller ALMERAS-LATOUR doit porter sur les choses humaines le jugement impartial, philosophique, triste, qui s'impose à ceux qui, les ayant vues de près, les observent de haut.

Ce n'est certainement pas le cas du magistrat qui, plus que tout autre, croit que sa petite vie, son petit personnage, son petit ministère, sont des choses très-considérables et tenant, une grande place dans la marche du monde. On a dit qu'en France la fonction abrutissait. Enlevez le mot France, et cette vérité devient un axiome, - qui ne signifiera certes pas que le génie courbé sous la besogne du fonctionnaire se change en imbécillité, - mais simplement qu'il décroît. C'est pour cela qu'il faut savoir un gré particulier à ceux qui résistent à cet envahissement de leurs facultés par les préoccupations que leur infligent leurs fonctions.

J'ai vu que M. ALMERAS-LATOUR ne répugnait pas à cette tendance que j'estime être celle des esprits indépendants. Au plus fort des plus chauds incidents, M. le conseiller ALMERAS-LATOUR, placé tout près des défenseurs, m'a semblé attristé, peiné, tourmenté de la pensée qu'un conflit pût s'élever entre leurs ardentes mais légitimes prétentions et le rigoureux pouvoir discrétionnaire du président.

Du geste, du regard il s'adressait à ceux-ci, voulait les calmer, les convaincre, les toucher, il faisait cela d'une douce et sympathique façon. D'autres que moi l'ont remarqué, et je vous répète que je suis tout heureux de vous le dire.

Source : La Commune devant la justice : croquis révolutionnaires : Blois, 1870 - Versailles, 1871, par M. Pof

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