Dans cet article, je vais parler de son grand-oncle maternel, Messire Claude HORDAL, religieux de renom qui fut à l’origine de l'élévation ou ré-élévation sociale de la famille HORDAL.
A vrai dire, les seules informations le concernant proviennent :
- De l’enquête relative à l’anoblissement de Jean HORDAL en 1596. Deux témoins nous donnent quelques informations :
o « Vénérable et discrète personne messire Estienne HORDAL, doyen et chanoine de Toul et chef du chapitre de cette église, agé de 66 ans » dit « qu’il a tousjours ouy dire de ses prédécesseurs … que oultre lesdits messire Claude, Jehan et Comtesse les HORDAL, seroient issus dudit Etienne HORDAL et de ladite Hawy [du Lys] un nommé Vautrin HORDAL » … « Ajoute qu’il a vu les armes de la Pucelle mises sur une verrière dans la salle de sa maison, que ces mêmes armes ont toujours été usitées sur leurs cachets. Qu'un cachet en or, portant ces mêmes armes, a été donné par Hawy elle-même au grand doyen, et qu’enfin, ces armes figurent sur la tombe dudit grand doyen, au portail de Barisey et à la cathédrale de Toul ».
o « Edeline, veuve de feu Claudin ROLLIN, demeurant à Barisey, agée de 75 ans », dit « que la nommée Hawy estoit parente à la Pucelle de Domremy, à ce qu’elle a entendu souventes fois dire à son père, nommé Simonin HORDAL, fils d’Estienne HORDAL et d’une nommée Jehanne, sa première femme ; son mary fut au festin de ses nopces, ayant pour lors espousé ledit Estienne HORDAL duquel elle a eu quatre enfants sçavoir Me Claude HORDAL, qui fut archidiacre de Port et depuis grand doyen de Toul, Jehan HORDAL, père de Maître Estienne HORDAL, à présent grand doyen, Vautrin HORDAL, marié à Nancy, et Comtesse HORDAL mariée à Mansuy BOULENGER vivant à Barisey ».
o « Damoiselle Barbe DAILLY, veuve et relicte de feu Mangin HIEROSME, dict LA FEUILLE, résidante à Domremy, aagée de 50 ans, et soeur du sieur DAILLY, dit que le grand doyen .... avoit fait empreindre les armoiries de la dite Jehanne en l’Eglise de Toul, que les HORDAL ont été par deux fois en son logis du temps de Blaise VINCENT son premier mary et qu’ils ont esté reçus en parents ».
o « Dame Isabeau ALBER, veuve et relicte de feu Antoine DAILLY, vivant sieur de Gibomel, à présent aagée de 51 ans, a dit qu’elle avoit entendu souvent ouy dire au défunct que le doyen de Toul estoit issu et descendu de la Pucelle de Domremy ».
- Des échanges entre Jean HORDAL et Charles du LYS entre 1609 et 1611:
o « Quant au doute que faictes de la fille de Pierre nommée Hauvy qui espousa Estienne HORDAL (que Dieu absolve), duquel suis descendu, c’est chose du tout vérifiée par le tesmoignage de ceux qui l'ont veue, il y a proche de 80 ans, aynsi qu’ils l'ont déposé après avoir presté le serment en tel cas requis. Et quand il n’y auroit que le tesmoignage de Monsieur le grand doyen de Toul, encor vivant, qui est irréfragable et omni exceptione majus, je ne pourrois estre induict à croire le contraire, iceluy disant et assurant se souvenir très-bien de la dicte Hauvy, son ayeulle pour avoir esté porté par elle entre ses bras souventefois, et avoir receu d’elle plusieurs pièces d’argent, et qu’elle estoit fille de Pierre, troisième frère de la dicte Pucelle, et par conséquent sa niepce, ce que feu Monsieur le grand doyen et mon ayeul, son frère, et fils de la dicte Hauvy, ont tousjours maintenu avec plusieurs autres ».
- De l’ouvrage de Charles du LYS :
o « Généalogie de ceux qui portent le nom de HORDAL, descendus dudit troisiesme frère de la Pucelle, en ligne féminine. La première des deux filles dudit Pierre du LIS, chevalier, frère puisné de la Pucelle, fut nommée Halouys, du latin Helvidis ; et fut envoyée par son père, chez Jean du LIS, prévost de Vaucouleur, son oncle, en eschange d'une autre fille dudit Jean du LIS, nommée Marguerite, que son ayeule, mère de la Pucelle, avoit menée vers ledit Pierre du LIS, son oncle, demeurant à Orléans, où il l'avoit retenue, et mariée avec Antoine BONNET, comme il a esté dit cy-devant : laquelle Halouys, ou Havuys, selon le langage et prononciadon du pays, ledit Jean du LIS, prévost de Vaucouleur, son oncle, maria avec Estienne HORDAL, gentilhomme d'une ancienne famille de Champagne, résidant à Barisey. Duquel mariage sont procédez messire Claude HORDAL, archidiacre, et depuis grand doyen de l'église de Toul ; Jean HORDAL et Valtrin HORDAL. Dudit Jean HORDAL est descendu messire HORDAL, vivant encore aujourd'huy, grand doyen en ladite église de Toul, aagé de plus de quatre-vingts ans, personnage de grande recommandation au pays, qui se souvient d'avoir veu en ses premiers ans, ladite Halouys son ayeule, vivant aagée d'environ quatre-vingts ans, comme il a esté dit ; et lequel garde soigneusement un cachet d'or, auquel sont gravées les armes de la Pucelle, que ledit feu messire Claude HORDAL, aussi grand doyen, son oncle, luy a donné, qu'il disoit avoir esté gravées du temps de ladite Pucelle et de ses frères. Dudit Jean HORDAL sont aussi descendus ».
- Des recherches des usurpateurs de noblesse. La noblesse des GRATAS fut confirmée par arrêt du Conseil d'État du 19 mai 1670 sur la base, entre autres, des documents suivants :
o « Contract de mariage, en parchemin de noble Estienne HORDAL, avec Hauvix DU LYS, fille de messire du LYS, chevallier, frère de Jeanne d'ARC, dite la Pucelle d'Orléans, en date du quatrième juillet mil quatre cent soixante sept ».
o « Extraict baptistaire de Claude, fils de noble Estienne HORDAL, escuyer, et de damoiselle Hauvix DU LYS du vingtième janvier mil quatre cent septante-six ».
o « Testament original de Claude HORDAL, doyen de l'église de Toul, du dix-neufième septembre mil cinq cent soixante quatre ».
Les 2 premiers documents me semblent être des faux créés de toutes pièces. En effet, lors des échanges généalogiques entre Jean HORDAL et Charles du LYS, de 1609 à 1611, ces preuves ne furent pas présentées par Jean HORDAL à Charles du LYS, qui était pourtant très dubitatif sur l’ascendance johannique des HORDAL. C’est très probablement parce qu’elles n’existaient pas à cette époque. Elles furent créées beaucoup plus tard, au moment des recherches en usurpation de noblesse de la fin du 17ème siècle. En effet, les familles mises en cause étaient contraintes d’apporter des preuves exhaustives. Or, beaucoup de familles n’avaient plus tous les actes justificatifs en leur possession (certains avait été disséminés ou perdus). Bref, pour ces familles, la seule chance de s’en sortir, pour ne pas perdre leur noblesse, consistait à recréer les quelques actes qui manquaient. Peut-on les en blâmer ?
Bref, pour résumer, ces informations (en se limitant à celles qui semblent fiables) nous permettent d’apprendre :
- Que Claude HORDAL fut archidiacre de Port puis grand doyen de Toul.
- Qu’il reçut, de la part de sa mère Hawy du LYS, un cachet en or portant les armes d’ARC du LYS.
- Que sa tombe était située à Barisey-au-Plain.
Mes recherches m’ont permis de récolter les éléments suivants :
Il semble que Claude HORDAL soit né plus tardivement que 1476. En effet, sa trace en tant que religieux n’apparait pour la première fois qu’en 1529, date à laquelle le duc de Lorraine lui fait don d’une prébende en la collégiale Saint-Jean-Baptiste de Vaudémont, vacante par résignation de Messire Sébastien PREVOST.
En 1533, Claude HORDAL se fixa à Nancy car il fut promu (en remplacement de Messire Claude GERLAY décédé depuis peu) chapelain de la grande chapelle Richart Nuizette dit Quatre Bras, appelée aussi chapelle Sainte-Croix, située dans le prieuré Notre-Dame de Nancy. La collation fut donnée par un nommé Waultrin PARMENTIER demeurant à Moyenvic, comme procureur spécial d’une femme nommée Jeannette, veuve de feu Ferry TALLON. Suivant le souhait des fondateurs (Richart NUIZETTE et Edeline COCOQ, sa femme), les chapelains devaient être préférentiellement choisis parmi les prêtres ou clercs les plus prochains parents de Richart et Edeline (qui n’eurent pas d’enfants). Pourquoi Claude HORDAL fut-il choisi ? Existait-il un lien de parenté entre les familles HORDAL/du LYS et NUIZETTE/COCOQ ? Ces questions seront abordées dans un prochain article.
Peu après, il semble avoir donné, pour lieu de sépulture, à sa mère Hawy du LYS, une fosse en la chapelle Sainte-Croix dont il est chapelain. Cela renforce plus encore l’hypothèse d’un lien de parenté avec les familles NUIZETTE/COCOQ.
Après 1531, Claude HORDAL succèda, comme prieur de Bleurville, à Thiérion MENGEOT alias DES HAZARS.
Entre 1533 et 1541, il fut nommé prieur commendataire du prieuré Notre-Dame de Nancy, en remplacement, une fois encore, de Messire Sébastien PREVOST. Il n’occupa pas cette fonction pendant très longtemps. En effet, il fut remplacé par Messire Denys BAILLET avant 1550.
Avant 1536, il bénéficia d’une place de chanoine au sein du chapitre de l’église cathédrale Saint-Etienne de Toul.
Avant 1542, il fut promu archidiacre de Saint-Nicolas-du-Port.
En 1542, par
lettres patentes du duc de Lorraine, il fut, en outre, nommé conseiller, serviteur et aumônier ordinaire
du duc.
En 1543, en tant que prieur commendataire du prieuré Notre-Dame, il présenta, à l’évêque de Toul, Messire Hugues COURCOL, prêtre du diocèse, pour le promouvoir de la chapelle de Saint Etienne fondée en l’Eglise de sondit prieuré et dont la collation lui appartenait.
A noter que la lettre de présentation (actuellement conservée à la bibliothèque nationale) porte un sceau avec les armes de la Pucelle, ce qui confirme la véracité des témoignages présentés plus haut : les HORDAL ont bel et bien utilisé ces armes sans jamais avoir été attaqués par quiconque pour cela. Pourtant, à cette époque, d’autres descendants d’ARC du LYS étaient présents sur Nancy, tels que, par exemple, Nicolas du LYS, enseigne, maître d’hôtel et capitaine des arquebusiers à cheval du comte de Salm, mort à Nancy et enterré à la Primatiale de Saint-Georges à la fin du 16ème siècle.
Les HORDAL, bien souvent accusés par de nombreux érudits d’être des usurpateurs de noblesse johannique, ne seraient-ils finalement pas de vrais descendants johanniques ? Certes, pas de Pierre d’ARC puisque cela semble impossible d’après les découvertes orléanaises de BOUCHER de MOLANDON, mais pourquoi pas de Jean d’ARC, le prévôt de Vaucouleurs, dont la descendance reste si obscure ? En effet, des faisceaux concordants sont :
- L’utilisation du cachet d’ARC du LYS, sans être inquiété par quiconque.
- Les témoignages :
o Des descendants de Jacquemin d’ARC, amis de la famille, tels que Barbe du LYS et la veuve d’Antoine du LYS, citées plus haut.
o Mais aussi des descendants de Jacquemin d’ARC plutôt hostiles tels que Claude du LYS, qui dénigra fortement notre professeur Jean HORDAL, tout en reconnaissant qu’il était bien allié à la famille d’ARC du LYS : « Plusieurs personnes dans le pays ont souhaité de se faire croire descendans de ceste maison, entre autres M. HORDAL, professeur de droit en l’université du Pont-à-Mousson, et ce Jehan ROYER duquel votre mémoire fait mention. Mais ce n’a esté que par l’alliance qu’ils ont eue en la famille, en laquelle ne restoit plus de masles, synon un mien frère aisné, marié en Lorraine, à la fille du lieutenant des gardes de Son Altesse, et moy, qui me suis habitué au lieu de Vaucouleur ».
L’inversion entre Pierre et Jean d’ARC pourrait facilement s’expliquer par les nombreuses confusions de prénoms (entre Jean, Jacquemin et Pierre) présentes dans l’enquête de 1551, enquête à laquelle les HORDAL ont probablement eu accès. D’ailleurs, il apparaît clairement, dans sa lettre de 1609 à Charles du LYS, que Jean HORDAL est très confus dans l’identification des 3 frères : « Ainsy il n’y aura eu que Jacquemin et Pierre qui aient faict leur résidence en France » (or, on sait que seuls Jean et Pierre ont fait leur résidence en France, l’un à Vaucouleurs et l’autre à Orléans).
Mais arrêtons là cette petite parenthèse et continuons sur la biographie de Claude HORDAL.
En 1543, « Vénérable Personne Messire Claude HORDAL, prêtre, archidiacre de Port, chanoine de Toul et de Saint Jehan de Wauldémont, a reconnu et confessé de son plein gré, pure et franche volonté, avoir fait, créé, constituer, ordonné et établi pour son procureur spécial et irrévocable Demenche BOUBIER dmt à Vezelise » sur tout ce qui concerne sa prébende de Saint-Jean-de-Vaudémont qu’il n’a pas le temps de gérer sérieusement.
En 1554 décéda sa belle-sœur, Mengeon PIERRE. Elle choisit la chapelle Sainte-Croix comme lieu de sépulture, afin d’être aux côtés de sa belle-mère Hawy du LYS (« J’élis la sépulture de son corps en la Chapelle Richard NUSET, en la fosse de ma belle mère, fondée en l’église Notre Dame de ce lieu de Nancy »).
En 1557, il échangea sa charge de prieur de Bleurville contre celle de grand doyen du chapitre de la cathédrale de Toul de Jacques ANTOINE. Le doyen du chapitre était, à cette époque, le chef effectif du diocèse. L’évêque Jean de LORRAINE, pourvu d’une douzaine d’évêchés et de beaucoup d’autres bénéfices, légat du pape et grand seigneur, abandonnait volontiers aux chanoines l’administration de ses diocèses. Quant au spirituel, le doyen du chapitre avait charge d’âmes de tous les membres de ce corps et de tout le personnel de l’église. Il avait la présidence et la première voix au chapitre. Il y avait même place au-dessus de l’évêque, par la raison que l’évêque procédait du chapitre. Bien qu’il reçût la juridiction spirituelle de l’évêque, il ne lui était sujet d'aucune façon. Il devait maintenir la décence et la régularité parmi les chanoines, signaler les abus au chapitre et travailler à les réprimer, et c’est en raison de cette charge qu’il pouvait porter à la main, surtout aux processions où il marchait toujours le dernier, une verge blanche, comme symbole de la garde qu’il faisait de tous les membres de son église. D’après l’ancien cérémonial, les dignitaires de la basilique touloise, comme le doyen du chapitre, les archidiacres et le grand chantre portaient la soutane rouge, celle des chanoines était violette (La cathédrale de Toul, par l’abbé Hyver).
En 1560, au sein de la cathédrale de Toul, il érigea une statue en pierre, « grandeur nature », à la gloire de son illustre ancêtre, dans le 5ème contrefort à gauche, sur un socle assez élevé, la représentant à genoux, les mains jointes, le coprs incliné et la figure tournée du côté du cœur. De grandes tresses de cheveux bouclés descendaient sur ses épaules et sur sa cuirasse ; son casque était à ses côtés, et son bras retenait le bâton d’une petite oriflamme également en pierre qui semblait flotter au-dessus de sa tête. On célébrait, à la cathédrale, un service annuel fondé pour le repos de l’âme de cette héroïne.
En 1563, il renonça à la chapelle Sainte-Croix du prieuré Notre-Dame et devint « chapelain de la chapelle de l’Annonciade fondée en l’église Saint Claude du Terroys [Terreau], proche du prieuré Notre Dame de Nancy ».
Il testa le 02/06/1566 et décéda peu après.
Pour
conclure, Claude HORDAL, au départ simple prêtre, fit une ascension fulgurante
au sein du clergé, cumulant de nombreuses charges ecclésiastiques. Il n’eut de
cesse d’afficher son appartenance à la famille de la Pucelle en arborant fièrement ses
armoiries à tout va (fronton de sa maison canoniale, cathédrale de Toul, portail et cimetière de Barisey-au-Plain, ...). C'est lui qui fut à l’origine de l'élévation ou ré-élévation sociale de la famille HORDAL, notamment en l'ancrant profondément dans les sphères religieuses lorraines : sept chanoines à Toul, un à Commercy, quatre chapelains de Lucey et Barisey, une abbesse, en tout treize bénéfices plus ou moins opulents, dont onze inamovibles et viagers, furent présents dans la descendance HORDAL jusqu'à la fin du 17ème siècle. C'est le triomphe de l'esprit de famille, cette grande force sociale de l'ancienne France.
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