Auguste Gillard est une des
personnalités marquantes du monde industriel liégeois de la « Belle Epoque ».
Outre ses activités industrielles à la direction des établissements de la Vieille-Montagne
à Angleur, spécialisés dans la métallurgie du zinc, il s’est intéressé, et même
passionné, pour l’automobile, dont il a été un des premiers à Liège à entrevoir
l’extraordinaire avenir.
Mieux que sa généalogie agnatique,
l’analyse de ses quartiers permettra sans doute d’apprécier dans quelle mesure
les diverses lignées dont il descend l’ont porté à la situation en vue qui a
été la sienne, en d’autres mots, dans quelle mesure il est le produit de son
milieu familial. Mais on verra aussi, par sa biographie, qu’Auguste Gillard
doit en grande partie sa situation à son travail, à son énergie et à son
intelligence.
FéIix-Auguste GILLARD est né au château de Wanze, près de Huy, le 24 août 1855, fils d’Antoine-Nicolas-Adolphe, marchand tanneur, et d’Euphémie-Alexienne Gillard. Après ses premières études à Huy, il poursuit son instruction à Couvin, Bruxelles et Paris. En 1875, à vingt ans, il va completer ses connaissances commerciales et linguistiques à l’institut de commerce de Lubeck, à Hambourg et à Aix-la-Chapelle. Trois ans plus tard, le 11 mars 1878, il entre dans l’administration de la S A des Mines et Fonderies de la Vieille-Montagne à Angleur, près de Liège. Il y restera toute sa vie.
D’abord inspecteur pendant six ans, il
devient chef du secrétariat en 1886 puis, douze ans plus tard, il succède à Mr
Hachette, décédé, comme secrétaire général de cette importante société
liégeoise. Il s’intéresse notamment aux questions sociales et c’est à son
initiative que la Vieille-Montagne crée une caisse de retraite pour les employés
et plusieurs autres institutions de prévoyance.
On sait que la Vieille-Montagne remonte
à l’époque où l’abbé Jean-Jacques Dony (1759-1819), inventeur du procédé
moderne de métallurgie du zinc, obtient en 1806 de Napoléon la concession des
gisements zincifères de la Vieille-Montagne (Altenberg) à Moresnet. Cet
étonnant abbé industriel entreprend alors la construction à Liège de la
première usine où est appliqué son procédé. La fondation réelle de la société
ne date cependant que de 1837, lorsque les enfants de Dominique Mosselman (+
1840) décident d’investir dans la mine de Moresnet et de constituer une société
au capital de cinq millions (porté à sept en 1852). Au début, la société
comprend la mine de calamine de Moresnet-Neutre, la fonderie de zinc de
Saint-Léonard à Liège, trois petits laminoirs à l’étranger et l’usine
d’Angleur, encore en construction sur les bords de l’Ourthe. Les laminoirs de
Bray, en France, et de Tilff, près de Liège, viendront s’y ajouter quelques
mois plus tard.
A la fin du XIXème siècle, la
Vieille-Montagne se trouve sous la direction énergique des Calley Saint-Paul de
Sinçay, une famille française. Le 10 juillet 1903 restera une date mémorable
pour Auguste Gillard : on célèbre à Angleur le 25e anniversaire de son entrée à
la Vieille-Montagne. Un banquet de cinquante couverts lui est offert par le
conseil d'administration, le collège des commissaires, les directeurs et chefs
de service. Télégrammes et cartes de visite affluent. On les a conservés, de
même que les remerciements du jubilaire. On y voit défiler le Tout-Liège de
l’industrie, de la finance, de la magistrature. M Gaston de Sinçay,
administrateur directeur général, prononce un discours qui sera imprimé avec
la réponse de Mr Gillard, de même que le menu, orné de son portrait. M de
Sinçay associe à son hommage les filiales de la Vieille-Montagne en France, en
Allemagne, en Angleterre, en Suède, en Italie, en Sardaigne, en Algérie « et
aussi au-dela de l’Océan ». Mr Gillard représente, dit-il, ce fameux «esprit
Vieille-Montagne». Et de louer ses qualités : diplomatie, énergie, bienveillance,
générosité, dévouement, associant Mme Gillard à son hommage. Mr Fréderic
Braconier, président du Conseil, prend la parole à son tour et remet à Mr
Gillard une superbe pièce d’orfèvrerie, un surtout de table en argent. L’
harmonie de la Vieille-Montagne, massée sous les fenêtres de l’hôtel de M de
Sinçay, où se déroulent ces festivités, ponctue alors ces bonnes paroles «de la
façon la plus agréable», ajoute le journaliste de La Meuse.
Autour de la table, présidée par
Fredéric Braconier, président, on notait la présence d'Emile Dupont,
vice-president du sénat et administrateur de la Vieille-Montagne, des barons
Fernand de Macar et William del Marmol, également administrateurs, de Mr
Hottinguer, administrateur, de MM. Jules Nagelmackers et van Hoegaerden,
commissaires, et des directeurs des diverses succursales de Paris.
La Vieille-Montagne est alors en pleine
expansion. Elle compte vingt-deux établissements industriels occupant plus de
12 000 personnes. Elle fait figure de précurseur en matière de prévoyance
sociale. C’est un des plus puissants groupes industriels du pays.
Malgré ses lourdes responsabilités,
Auguste Gillard s’intéresse aux arts et aux sports, suivant de près les
manifestations liégeoises dans ces domaines. A sa mort, le journal La Meuse le
décrira comme «un grand sportsman et surtout un fervent automobiliste qui fut
l’un des premiers à entrevoir l’avenir des locomotions mécaniques et à seconder
leur essor».
Auguste Gillard est en effet l’un des
tout premiers, très exactement le troisième Liégeois à posséder une voiture
automobile, en l’occurrence une Germain belge, dotée d’un moteur Panhard à
deux cylindres, millésimée 1897 et sortie des usines de Monceau-sur-Sambre
l’année suivante. La voiture n’avait pas de pneus, mais des pleins comme
on disait alors. En 1901, à une époque où l’automobile est encore davantage un
sport qu’un moyen de locomotion, il entreprend avec cette voiture un voyage de
Liège à Guéthary, entre Biarritz et Saint-Sébastien, avec sa femme, sa fille
aînée Fanny et le chauffeur Arthur. On faisait des étapes de 200 km par jour
environ et il fallut sept jours pour atteindre l’extrême Sud-Est de la France.
Ce voyage apparaît comme une véritable performance, car les automobilistes ne
pouvaient guère compter sur des services de dépannage organisés ni sur de
fréquents postes d’essence. Il fallait s’équiper de pied en cap pour affronter
le vent que n’arrêtait aucun pare-brise. A Guéthary, les voyageurs séjournèrent
une quinzaine de jours chez le directeur parisien de la Vieille-Montagne et
Mme Maneuvrier. Le retour s’effectua par Pau, Lourdes, le cirque de Gavarnie et
Paris. Pour la montagne, " il y avait une barre de fer qu’on faisait
tomber pour ne pas reculer ". Auguste Gillard eut ensuite une petite
voiture Vivinus ouverte. La carrosserie prit feu un jour à cause des brûleurs.
A cet égard, la troisième automobile d’Auguste Gillard, encore une Germain, de
quatre cylindres cette fois, protégeait beaucoup mieux ses passagers.
Dès 1898, avec quelques amis liégeois
qui partagent sa passion, Auguste Gillard fonde l’Automobile-Club liégeois,
dont il devient en 1901 le troisième président. Jusqu’à la fin de sa vie, il
consacrera à ce club, à la fois sportif, touristique et mondain, une grande
part de son activité.
Auguste Gillard avait un frère aîné,
Emile, volontaire de carrière dans l’armée belge, mort célibataire des suites
d’un typhus contracté lors de la mobilisation de 1870-1871 à la frontière
franco-belge. Il a aussi deux soeurs. Marie-Pauline, artiste peintre, décédée sans
alliance à Bruxelles en 1889, et Alice, également morte non mariée, renversée
par une voiture à Liège en 1931. En 1880, ils perdent leur père, mort ruiné
pour avoir garanti de son aval un beau-frère malchanceux. Devenu le soutien de
sa mere et de ses deux soeurs, Auguste Gillard doit accepter un emploi juge modeste
à la Vieille-Montagne. Ses epreuves de jeunesse ont sans doute suscite chez lui
l’acharnement que, toute sa vie, il mettra au travail et qui lui permettra
d’accomplir une carrière de premier plan dans une des plus importantes societes
industrielles du pays.
Auguste Gillard est mort à Valmont, près
de Montreux (Vaud, Suisse), le 3 decembre 1921, des suites d’une maladie qui
le tenait éloigne de Liège depuis quelques mois. Il est inhumé au vieux
cimetière de la Diguette à Angleur. Il était officier de l’Ordre de Leopold,
officier de l’Ordre de la Couronne d’Italie, chevalier de l’Ordre du
Nichanfukhar (Tunisie), porteur de la médaille industrielle de 1ère classe,
administrateur de la S A des chemins de fer de Welkenraedt à Aix-la-Chapelle
(Jonction belgo-prussienne) et, semble-t-il, membre fondateur d’une Societé
d’études belgo-japonaises.
Il menait grand train, voyageait
heaucoup, recevait tout autant. Il avait achete en 1896 à Mr Neuville un bel
hôtel de maitre rue Sainte-Marie a Liege, auquel il avait apporte de nombreux
aménagements. Il avait aussi bâti en 1918 l’immeuble voisin, ou il avait
installe une de ses filles.
Auguste Gillard a épousé à Verviers
(mariage religieux à Pepinster) le 1er septembre 1883 Marie-Adélaïde-Eugénie
VERCKEN, née à Liège le 11 février 1860, y décédée le 24 juillet 1917, enfant
unique d'Alfred-H-Auguste, industriel, copropriétaire de la filature
Lieutenant, devenue Textile de Pepinster, et de Françoise-Caroline-Eugénie
dite Fanny Kaiser.
Marie Vercken descend d’une vieille
famille eupenoise, en possession de la seigneurie et du château de
Vreuschemen, à Baelen-sur-Vesdre, depuis la fin du XVIème siècle. Son oncle
Léon Vercken, frère aîné d’Alfred, secretaire de l’institut supérieur de
commerce et de la Chambre de commerce d’Anvers, administrateur directeur de la
Société anversoise d’assurances «La Meuse», consul de Perse et musicien de
talent, a été anobli en 1858 par Léopold 1er. Sa descendance est aujourd’hui
établie en France.
Armoiries de la famille Gillard
Les époux Gillard-Vercken ont eu six
enfants :
1° Fanny (née en 1884), épouse en
premières noces de Gaétan de Bermondet de Cromières (1883-1918) et en secondes
noces de Médéric de Labretoigne (1871-1959), assureur-conseil. Dont un fils
unique du premier lit.
2° René (né en 1886), mort en bas âge
3° Valentine (1887-1974), épouse de Max
de Fraipont (1888-1942), avocat. Dom postérité.
4° Marcel (1889-1973), inspecteur à la
Vieille-Montagne, puis directeur de l’Encyclopédie Belgique-Congo, major de
réserve honoraire, époux de Catherine dite Rinette Banneux Dont une fille
décédée sans alliance
5° Emilie (1891-1981), épouse en
premières noces de Carlo Verhoustraeten (1887-191 1), agent de change, en
secondes noces d’André Douxchamps (1883-1918), ingénieur civil des mines et
électricien, directeur de la Société métallurgique austrobelge de Corphalie,
près de Huy (15) assistant à l’Université de Liège, et en troisièmes noces
d’Hector Robertson (l888-1953), général de brigade dans l’armée britannique,
professeur à la Royal Military Academy de Woolwich et à l’Ecole supérieure de
la Guerre à Paris. Dont nombreuse postérité des trois lits.
6° René (1893-1958), colon au Congo
belge, administrateur délégué de la Société agricole et commerciale de Musega,
époux (mariage dissous) de Liane Ophoven. Sans postérité.
La descendance du nom Gillard est donc
éteinte dans les mâles en ce qui concerne la branche d’Auguste. Par contre,
ses deux filles Valentine et Emilie sont à l’origine d’une très nombreuse
descendance répandue en Belgique et en Grande-Bretagne.
Source : Le Parchemin, 1981, n°XXXI
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