En 1608, Jean POERSON, marchand, venant de Vic, est recensé parmi les étrangers de Metz avec sa femme qui est de Lorraine. Il demeure paroisse Saint-Martin depuis 1604. Ils n'ont pas d'enfants alors, car il en aurait été fait mention. L'année suivante naquit Charles, vraisemblablement à Metz, au domicile de ses parents ; en tout cas, il ne figure pas dans les registres paroissiaux de Vic. En ce qui concerne les paroisses de Metz, plusieurs registres manquent, sauf pour Saint-Martin. Il ne se trouve pas non plus dans ceux-ci ; par contre, il y a les enfants de son frère Claude, à partir de 1606. Autre fait curieux : aucun enfant n'est prénommé Charles parmi ses oncles et neveux. Cependant, parmi ses cousins sous germains, il y a un Charles LANCON, qui est alors conseillé au bailliage de Nancy, et qui pourrait être son parrain. Il y a aussi des Charles dans la famille de sa mère, Catherine COINTAIN, originaire de Lorraine, donc du duché souverain voisin. Celle-ci est peut-être la soeur de Charles, demeurant à Prény, anobli le 20 septembre 1611. On retrouve ce dernier dans un acte de 1635, où il se porte créditeur pour Frémin, son oncle, procureur fiscal en la justice de Bayonville.
Armoiries de la famille Poerson ; d'azur au sautoir d'or accompagné de 4 montagnettes d'argent
Charles est donc à Metz avec ses parents au début du siècle. Ils y possèdent un cousin germain, Bartolini le Brun, peintre de grand talent, qu'il dut fréquenter assidûment. Il dut aussi se rendre souvent à Vic ou sa parenté était nombreuse. Il y passa certainement des heures dans l'atelier de Claude DOGOZ, artiste de valeur, le maître présumé de Georges de La Tour. Il avait alors 13 ou 14 ans. Mais ce n'est ni la Metz, ni ainsi que, qu'il pouvait parfaire ses talents, et comme ses parents avaient des relations avec la Cour de Lorraine, il dut se rendre à Nancy où deux peintres sont justement célèbres : Jean LE CLERC et Claude DERUET, qui tous deux avaient passé quelques années en Italie, le premier étant revenu dans la capitale des ducs en 1622 et le second dès 1619. Charles POERSON a 15 ans en 1624. C'est l'âge de l'apprentissage et l'on peut supposer qu'il se présenta vers 1625 chez Jean Le Clerc, l'élève préféré de SARACENI et comme lui, spécialisé dans les scènes religieuses. C'est Le Clerc qui introduisit le caravagisme en Lorraine. POERSON est encore à Nancy en 1633 quand Louis 13 assiégera la ville. Si l'on en croit son fils, il aurait dans sa jeunesse porté les armes pour le service du roi. Ne se sentant plus à l'aise en Lorraine, et se trouvant sans biens, il vient à Paris où demeure son cousin germain Louis, interprète des langues françaises, Germaine et d'Italie. Il ne faut pas oublier qu'il est français depuis que Metz en 1552 à passé au royaume.
"L'Annonciation", musée Carnavalet (base Joconde)
Jean LE CLERC lui a sans doute parlé de Simon VOUET qui, après un séjour de 15 années en Italie, était revenu à Paris en 1627. Il va le voir et comme il possédait déjà un certain bagage, le maître le prend dans son atelier. Ils travaillent avec lui au Luxembourg, au Louvre, et dans quelques églises. Il assiste son maître pour la série des hommes illustres dans la galerie du palais Cardinal (palais royal) de Richelieu en 1635-1636. Sur le conseil du peintre, il se rendra à son tour en Italie en vue de se perfectionner. Il y restera vraisemblablement deux années (1636-1637). Il revient à Paris en 1638 et s'installe rue Neuve-Saint-Honoré. Le 25 septembre, il signe son contrat de mariage avec Françoise BRUYANT, fille de la feu Nicolas, concierge de M. de FARGIS, et de Marie FROISSART. Les parents de Charles ne sont pas présents, mais ils ont donné leur accord. Ils auraient rencontré d'éminents personnages. Philippe Emmanuel de GONDI, le fils du maréchal de Retz, ancien lieutenant général pour le roi es mers du Levant et général des galères, prêtre de l'Oratoire depuis 1627 ; Marguerite de Gondi, marquise de Maignelay, tous deux frères et soeurs de Jean-François de Gondi, premier archevêque de Paris ; Jean Rollin, maître d'hôtel de la marquise ; Pierre Richer de BELLEVAL, botaniste réputé, conseiller et médecin ordinaire du roi ; Bertrand de CHAMPFLOUR, secrétaire du duc de Retz ; Charles DUFRESNE, secrétaire de la jeune reine Marguerite de Valois, épouse d'Henri IV ; Louis de MESLIN, agents des affaires du maréchal de SCHOMBERG. Se trouvait également présent Antoine HERAULT, maître peintre, beau-frère de Charles POERSON. Il avait épousé Marguerite BRUYANT qui lui donna 12 enfants et parmi eux : Madeleine, femme de Noël COYPEL, entre la force célèbre lui aussi, ainsi que Charles Antoine, professeur à l'académie de peinture, époux de la fille de l'orfèvre Jean de LENS, père et mère d'autres peintres, qui sont donc les nièces et neveux de Charles POERSON. Quelle famille d'artistes célèbres !
Le contrat précise que la mère de la mariée, ainsi que la marquise de MEIGNELAY, donneront chacune 1000 livres aux époux et que Charles POERSON offrira 600 livres de domaine préfix. Le mariage fut célébré le 24 octobre 1638 en l'église à Saint-Roch. Les époux s'installèrent rue Saint-Martin sur la paroisse Saint-Nicolas des champs où tous leurs enfants seront baptisés.
Il faut remarquer que Charles POERSON n'est pas qualifié de peintre alors que son beau-frère est maître peintre, ce qui laisse supposer qu'il n'a pas encore passé la maîtrise. D'ailleurs, on ne connaît pas de toile de lui avant de 1638. Sans doute continue-t-il à travailler pour Simon VOUET et décore-t-il plusieurs églises, mais la plupart des tableaux ont été perdus. Il ne semble pas qu'il ait possédé un atelier, bien qu'on sache qu'il est donné tardivement des leçons au sculpteur Corneille VAN CLEVE et au joaillier LE TESSIER de MONTARSY. Nous reviendrons sur ces oeuvres qui hélas ! Ne sont pas datées, sauf pour les "mays" de Notre-Dame de Paris.
"La nativité", musée du Louvre département des Peintures (base Joconde)
POERSON est peintre ordinaire du roi quand il est nommé, le 5 août compte 1651, membre de l'académie de peinture à la suite d'un arrangement passé entre les membres de cette académie et les jurés du corps des maître peintre à propos de leur fusion. Il est reçu le 24 du même mois et remplace Gérard VAN OPSTAL ; avec lui est admis Lubin BAUGIN à la place de Laurent de la HIRE. Charles POERSON, le même jour, est reçu professeur ; le 6 juillet 1658, il succède à Charles LE BRUN comme recteur de l'académie ; il le sera de nouveau en avril 1661. Le recteur était tenu de se trouver à l'académie chaque samedi pendant son quartier de service, conjointement avec le professeur du mois, pour vaquer à la correction des étudiants, juger de ceux qui auront le mieux fait et mérité quelque récompense, et pourvoir à toutes les affaires de l'académie. Il percevait 300 livres à cette occasion. POERSON ne prend pas ses quartiers en 1666, mais il assiste à la séance du 1er janvier. Ce sera la dernière, puisqu'il meurt le 5 mars 1667.
Sa veuve quitte alors Paris et vient habiter Metz chez son gendre Lancelot François. Elle y décédera le 17 juillet 1670.
L'oeuvre de Charles POERSON n'est pas considérable, du moins de ce qu'il en reste, et se situe entre 1640 et 1167, en acceptant sa collaboration avec VOUET autour des années 1633 - 1636. Il est par ailleurs difficile de séparer les tableaux du père de ceux du fils, car ils sont tous deux peintres de scènes religieuses ou historiques. Enfin Jeanne LEJEAUX pense qu'il faudrait rendre à Charles POERSON des toiles attribuées à VOUET, mais l'absence de signature rend le choix difficile.
Deux tableaux sont de la main de Charles POERSON, les "mays" de Notre-Dame de Paris. Il était de tradition depuis 1449 que le 1er mai les orfèvres de Paris offrent à la vierge un cadeau. Jusqu'en 1481, ce sera un arbre verdoyant, l'arbre de vie, plantée devant le maître autel ; 2481 à 1499, ce sera un tabernacle, et à partir de 1608,1 tableau peint par des artistes de renom, sur des sujets choisis dans les actes des apôtres par deux orfèvres désignés par la corporation, appelé les princes du may verdoyant. Ils étaient suspendus dans la nef, sous le trisorium. Sur 78 mays, il en a été retrouvé 41, et parmi eux, le may exécuter par POERSON en 1642 : la première prédication de Saint-Pierre à Jérusalem. Il fut donné par Pierre LE BARBIER et François LE QUINT, orfèvres. Il est exposé depuis 1947 dans la chapelle Saint-Paul. Il était accompagné d'un sonnet explicatif et d'un poème à la gloire de la vierge, signée Pierre du RYER.
Charles POERSON exécuta un second may en 1653 : le naufrage de Saint-Paul dans l'île de Malte, offert par les orfèvres Philippe ROUGENAILLE et Pierre PREVOST. Il fut placé dans la chapelle du martyre de saint Pierre et a disparu. Il en existe une estampe gravée par Tardieu.
"Repos de la Sainte Famille pendant la fuite en Egypte", musée du Louvre département des Arts graphiques (base Joconde)
Peintre de sujets religieux, l'artiste exécute de nombreux tableaux aujourd'hui disparus, parmi lesquels une adoration des bergers pour l'église Sainte-Croix de la Bretonnerie, une adoration des mages pour les carmélites de Pontoise, une mise en croix pour les religieuses de Sainte-Catherine dites hospitalières, la vie de saint Louis pour la chapelle des Quinze-Vingt, plusieurs scènes de la vie de la vierge pour l'Oratoire d'Anne d'Autriche au palais Cardinal. Une activité figure au Louvre, mais on n'en connaît pas la provenance. Plusieurs estampes gardent le souvenir de tableaux disparus : l'échelle de Jacob, l'ange Raphaël et Tobie, Joseph expliquant ses songes, la visitation, la vierge à l'enfant, la prédication de Jésus, le repas chez Simon, Sainte Madeleine, gravées par Guillaume et Nicolas CHASTEAU,TROUVAIN, SIMONNEAU ou TARDIEU.
Toujours dans le domaine religieux, il a fait plusieurs cartons de tapisseries. Entre 1638 et 1657, le chanoine Michel LE MASLE, homme de confiance du cardinal de Richelieu, fit exécuter pour la cathédrale de Paris 14 tapisseries représentant l'avis de la vierge. En 1739, elles furent cédées à la cathédrale de Strasbourg. Une dizaine sont de sa main si l'on en croit Jeanne LEJEAUX : l'annonciation, la visitation, la nativité, le repos ou de la Sainte-Famille en Égypte, l'adoration des mages, la présentation de Jésus au temps plein, Jésus au milieu des docteurs, la mort de la vierge, l'Assomption, le couronnement de la vierge. Trois sont de Philippe de Champaigne soit : La naissance de la vierge, la présentation de la vierge au temple, les noces de cana, et une de Jacques STELLA : le mariage de la vierge.
Dans le domaine profane, Charles POERSON a peint vers 1665 l'aurore, plafond de l'escalier de l'hôtel AMELOT de BIZEUIL (78 rues des archives), reconstruit vers 1660 pour le maître des requêtes BRUN à la décoration de l'arc de triomphe érigé placent Dauphine en 1660 à l'occasion du mariage de Louis 14.
"Zéphyr et Flore" ou "le lever de l'Aurore", musée des beaux-arts de Nantes (base Joconde)
Il reste enfin à mentionner cinq tableaux appartenant à des musées de province.
Au Mans figurent deux épisodes de la vie de Cincinnatus (numéros 72 et 73) qui furent saisis en 1798 chez un conseiller au Parlement de Paris, émigré : BOURGEVIN de VIALART de SAINT-MORYS.
À Arras est exposé l'annonciation de la vierge, déposée en 1938 par le musée du Louvre.
À Perpignan, il y a les noces de cana, le tableau qui a servi dans le carton de la tapisserie de la vie de la vierge.
À Metz enfin se trouve une très belle toile : la mort de Camma et Sinorix. Camma, princesse de Galatie, raconte Plutarque, était l'épouse de Sinnate, quand Sinorix s'éprit d'elle en 236 avant J. C. Pour être mieux accueilli, il tua le mari et Camma fit semblant de répondre à ses désirs. Le gendre du mariage, dans le temple de Diane, elle remplit deux coupes d'un breuvage empoisonné. Tous deux burent et moururent.
L'artiste s'inspirera sans doute de la tragédie de Thomas Corneille, Camma, reine de Galatie, qui fut représentée le 28 janvier 1661 à l'hôtel de Bourgogne ou la couleur et la ville s'était trouvée en si grand nombre qu'il fallut fermer les portes. On prétend que c'est le surintendant des finances, Fouquet, qui avait suggéré l'idée de la pièce. La toile de POERSON ne peut dater de 1661-1662.
Source : Cahiers Lorrains, H. Tribout de Morembert, 1996.
Source : Cahiers Lorrains, H. Tribout de Morembert, 1996.
1 commentaire:
cette notice indique sa source, mais elle mérite d'en chercher une nouvelle à partir du livre de Nicole de Reyniès (et alii, - en particulier sur les cartons de tapisserie
Bon travail pour refondre la notice
Claude Poitiers
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