lundi 26 avril 2010

Lettres patentes de Charles et Luc du Lys, 1612


Lettres patentes dont une ampliation existe à la section judiciaire des Archives du royaume (Cour des aides, liasse de 1611 à 1614). Elles ont été imprimées pour la première fois à part, en un petit cahier de format in-12, sans date ni nom d'imprimeur. Godefroy les reproduisit p. 899 de l'Histoire de Charles VII. On les trouve encore dans le Recueil général des anciennes lois françaises (t. XVI, p. 33), et dans la Collection des chroniques nationales de M. Buchon , t. IX de Monstrelet, ainsi que dans le Panthéon littéraire.

Louys, par la grace de Dieu, roy de France et de Navarre, à tous présents et à venir, salut. Nos amez et féaux M, Charles Dulis, nostre conseiller et advocat général en nostre Cour des Aydes, à Paris, et Luc Dulis, escuyer, sieur de Reisnemoulin, aussi conseiller, notaire et secrétaire de nostre maison et couronne de France, et audiencier en nostre chancellerie de Paris, frères ; nous ont fait humblement remonstrer que, comme durant les guerres et divisions qui furent en ce royaume, sous les roys Charles VI et Charles VII d'heureuse mémoire, nos prédécesseurs, les Anglois ayans par un long espace de temps usurpé nostre ville de Paris et une grande partie des autres meilleures villes et provinces de nostre royaume, il eust pleu à Dieu, vray protecteur de nostredit royaume, de susciter des frontières d'iceluy cette magnanime et vertueuse fille, nommée Jeanne d'Arc, depuis vulgairement appelée la Pucelle d'Orléans ; laquelle, contre l'opinion d'un chacun et contre toute apparence humaine, fit miraculeusement en fort peu de temps, et comme par la main de Dieu, lever le siége que les Anglois tenoient devant nostre ville d'Orléans, et sacrer ledit seigneur roy Charles VII, en nostre ville de Rheims, avec tant de prospérité, que de là en avant les Anglois furent entièrement débellez et expulsez de nostre royaume : en recognoissance desquels grands et signalez services rendus à l'Estat et couronne de France, elle fut non seulement annoblie avec ses père, mère, frères, et toute leur postérité, tant en ligne masculine que féminine, mais par un privilége spécial dudit seigneur roy Charles VII, lui fut permis, ensemble à sesdits frères et à leur postérité, de porter le lis, tant en leurs noms qu'en leurs armoiries, qui leur dès lors furent octroyées et blasonnées d'un escu d'azur, à deux fleurs de lis d'or, et une espée d'argent à la garde dorée, la pointe en haut, férue en une couronne d'or ; desquels frères de ladite Pucelle, l'aisné, Jean d'Arc, dit Dulis, prévost de Vaucouleur, et les descendants d'icelui, auroient continué de porter lesdits noms et armes Dulis jusques à ce jourd'huy ; et le puisné Pierre d'Arc, aussi dès lors surnommé Dulis, suivant la profession des armes, après estre parvenu à l'ordre et degré de chevalerie, par lettres patentes du duc d'Orléans, données à Orléans, le vingt-huictiesme de juillet mil quatre cent quarante-trois, auroit esté recognu et rescompense, sous le nom Dulis, et en qualité de frère germain de ladite Pucelle, des signalez services par luy rendus, en faict d'armes, avec sadite soeur, et après le déceds d'icelle, tant audit seigneur roy Charles VII, qu'audit duc d'Orléans, depuis l'heureuse deslivrance qu'il eut de sa longue prison, sous les auspices de ladite Pucelle, comme il en appert amplement par plusieurs extraicts de nostre Chambre des comptes, et autres titres attachez sous le contreseel des présentes ; mesmes que dudit Pierre Dulis, chevalier, frère puisné de ladite Pucelle, seroient issus et descendus en droite ligne lesdits exposant, frères, enfans de Michel Dulis, leur père, fils de Jean Dulis, leur ayeul, qui fut fils d'autre Jean Dulis le jeune : lequel estoit aussi fils puisné dudit Pierre Dulis, chevalier, frère encore puisné de ladite Pucelle : lequel Jean Dulis le jeune, bisayeul desdits exposans, fut nommé et envoyé pour estre l'un des eschevins en la ville d'Arras, par le roy Louys XI, fils et successeur dudit seigneur roy Charles VII, lorsqu'il la voulut faire restablir et repeupler, par ses lettres patentes données à Chartres, au mois de juillet mil quatre cent quatre-vingt-un, vérifiées en nostre Cour des Aydes, le dixiesme septembre ensuivant, et y demeura jusques en l'année mil quatre cent quatre-vingt-onze, que s'estant ladite ville soustraite de l'obéissance de la couronne de France par l'entremise de l'archiduc Maximilian, les bons et vrays François qui y avoient esté establis par ledit sieur roy Louys XI, furent tous pillez et chassez de ladite ville, notamment ledit Jean Dulis, lequel fut contraint de se retirer à Lihoms en Santerre, sans néantmoins discontinuer la profession des armes ; et se voyant le puisné des puisnés des frères de ladite Pucelle d'Orléans, il se seroit contenté de porter le nom Dulis, retenant les armes du nom et de leur ancienne famille d'Arc, qui sont d'azur à l'arc d'or mis en fasce, chargé de trois flèches entrecroisées, les pointes en haut férues, deux d'or, ferrées et plumetées d'argent, et une d'argent, ferrée et plumetée d'or, et le chef d'argent au lion passant de gueule ; et d'autant quelesdits noms Dulis et armes d'Arc, se trouvent estre passez de père en fils jusques ausdits exposants, et qu'iceux sont recognus aujourd'huy seuls représentans ledit Pierre Dulis, leur trisayeul, frère germain de ladite Pucelle, au moyen de ce que Jean Dulis le vieil, de son vivant tousjours surnommé la Pucelle, fils aisné dudit Pierre Dulis, chevalier, frère de ladite Pucelle, seroit décédé sans hoirs, désireraient reprendre les armes Dulis, octroyées à ladite Pucelle et ses frères, avec celles d'Arc, que ledit Jean Dulis le jeune, leur bisayeul et ses descendans se trouvent avoir retenues et gardées jusques à présent ; et qu'il leur fust permis les porter toutes deux ensemble, escartelées en mesme escusson, et timbrées de telle façon qu'il nous plaira leur ordonner, pour marque des actes valeureux de ladite Pucelle et de leurs ancestres, mesmes y employer la bannière qu'elle portoit à la guerre, laquelle estoit de toile blanche semée de fleurs de lis d'or, avec la figure d'un ange qui présentoit un lis à Dieu, porté par la Vierge sa mère ; ce qu'ils doutent pouvoir faire, sans avoir sur ce nos lettres convenables et nécessaires, humblement requérant icelles : pour ce est-il que nous, recognoissans les grands, mystérieux et signalez services faits à l'Estat et couronne de France par ladite Jeanne d'Arc, dite la Pucelle d'Orléans, et désirans continuer la reconnoissance et gratification qui en a esté faite à elle et a ses frères, et leur postérité, et d'ailleurs, bien et favorablement traiter lesdits exposans, tant en contemplation de leur dite extraction, dont il nous est suffisamment apparu par les titres et extraits attachez sous nostredit contreseel, que de plusieurs bons et agréables services qu'il nous ont rendus, et au défunt roy Henry le Grand, nostre très honoré seigneur et père, d'heureuse mémoire, non seulement en l'exercice de leurs offices, mais en plusieurs autres charges, commissions et négociations où ils ont esté employez, et s'en sont dignement acquittez : A ces causes et autres grandes considérations à ce nous mouvans, de l'advis de la reyne régente, nostre très honorée dame et mère, et de nostre conseil, avons, de nostre certaine science, pleine puissance et autorité royale, par ces présentes signées de nostre main, permis et permettons ausdits exposans, d'adjouster les armes Dulis à celles d'Arc, dont ils avoient accoustumé d'user ; et icelles porter à l'advenir eux et leur postérité, escartelées au quartier droict de celles Dulis, qui furent accordées à ladite Pucelle d'Orléans et ses frères, ainsi que les ont retenues et les portent à présent ceux qui sont reconnus issus et descendus du frère aisné de ladite Pucelle, Jean Dulis, qui fut prévost à Vaucouleur, et au second et troisiesme quartier de celles d'Arc, que lesdits exposans ont retenues, et gardées de père en fils, dudit Jean Dulis le jeune, leur bisayeul, qui fut nommé, comme dit est, pour eschevin en la ville d'Arras, par ledit sieur roy Louis XI, ainsi qu'elles sont cy-dessus blasonnées, et représentées sous le contreseel des présentes ; comme aussi voulons et permettons que lesdits exposans puissent porter leur heaume comblé du bourrelet de chevalerie et noblesse, des couleurs armoriales, et timbré, sçavoir est ledit Charles et les siens, d'une figure de ladite Pucelle, vestue de blanc, portant en sa main droite une couronne d'or soustenue sur la pointe de son espée, et à la gauche, sa bannière blanche, figurée et représentée comme de son vivant elle la portoit ; et ledit Luc Dulis, puisné, et les siens, d'une fleur de lys d'or naissante entre deux pennarts de mesme blazon que la bannière de ladite Pucelle ; et que le cri dudit Charles et des siens soit La Pucelle ! et celui dudit Luc, sieur de Reisnemoulin, soit Les Lys! sans qu'ils en puissent estre troublez, molestez ny inquiétez en façon quelconque, ny que ledit changement ou escartelure et addition leur puisse nuire, ny estre imputé au préjudice de nos ordonnances. Si donnons en mandement à nos amez et féaux conseillers les gens tenant nos cours de Parlement et des Aydes à Paris, et à tous autres justiciers et officiers qu'il appartiendra, que ces présentes ils fassent registrer, et du contenu en icelles jouyr et user lesdits exposans et leur postérité, sans leur estre sur ce fait aucun trouble ni empeschement ; et si aucun leur estoit fait ou donné, ils le fassent lever et oster, nonobstant toutes ordonnances, défenses, et quelconques lettres à ce contraire : car tel est nostre plaisir. Et afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, nous avons fait mettre nostre seel à cesdites présentes. Données à Paris, le vingtcinquiesme jour d'octobre, l'an de grace mil six cent douze, et de nostre règne le troisiesme.

Signé, Louys.

Et sur le reply, Par le roy, la reine régente, sa mère, présente, Brulard, et scellée de cire verte. Et à costé est escrit : Visa.

Et sur ledit repli est encore escrit : Registrées, ouy le Procureur général du roy, pour jouyr par les impétrans du contenu en icelles, selon leur forme et teneur. Fait en Parlement, le dix-huitiesme de décembre mil six cent douze.

Signé, du Tillet.

Et sur le mesme repli est escrit : Registrées en la Cour des Aydes, ouy le Procureur général du roy, pour jouir par les impétrans du contenu en icelles, suivant l'arrest de ladite cour du jourd'huy.

Fait à Paris, le trente-uniesme jour de décembre, mil six cent douze.

Signé, du Puy.

Extrait des registres du Parlement.

Veu par la Cour les lettres patentes du 25 octobre dernier, signées Louys, et sur le reply, Par le roy, la reyne régente, sa mère, présente, Brulard ; par lesquelles inclinans à la supplication de MM. Charles Dulis, advocat du roy en la Cour des Aydes, et Luc Dulis, secrétaire et audiencier en la chancellerie, descendus de Jeanne d'Arc, dite la Pucelle d'Orléans, leur est permis aux armes d'Arc adjouster celles du Lis, octroyées à ladite Pucelle et aux siens, ainsi qu'au long contiennent lesdites lettres ; la requeste par eux présentée à la Cour afin d'enthérinement ; conclusions du Procureur général du roy ; tout considéré : ladite Cour a ordonné et ordonne que lesdites lettres seront registrées en icelle, ouy le Procureur général du roy, pour jouyr par les impétrans du contenu en icelles. Fait en Parlement, le dix-huitiesme jour de décembre, mil six cent douze.

Signé, Voisin.

Extrait des registres de la Cour des Aydes.

Veu par la Cour les lettres patentes du roy, données à Paris le vingt-cinquiesme jour d'octobre dernier, signées Louys, et sur le reply, Par le roy, la reyne régente, sa mère, présente, Brulard, à costé visa, et seellées de cire verte sur lacs de soye rouge et verte, portans permission à messire Charles Dulis, son conseiller et advocat général en ladite Cour, et Luc Dulis, escuyer, sieur de Resnemoulin, aussi conseiller, notaire et secrétaire de Sa Majesté, maison et couronne de France, et audiencier en la chancellerie de Paris, d'adjouster les armes Dulis à celles d'Arc, et icelles porter à l'advenir, et leur postérité, comme estans descendus d'un des frères de Jeanne d'Arc, dite la Pucelle d'Orléans, ainsi que plus au long le contiennent lesdites lettres ; requeste des impétrans à fin de vérification d'icelles ; conclusions du Procureur général du roy, et tout considéré : la Cour a ordonné et ordonne que lesdites lettres seront registrées au greffe d'icelle, pour jouir par les impétrans du contenu en icelles. Prononcé le trente-uniesme jour de décembre, mil six cent douze.

 
Signé, du Puy.

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