Le 28 juin 1914, l'Archiduc François-Ferdinand d'Autriche-Hongrie, héritier de la Couronne, et sa femme étaient assassinés par un patriote serbe lors d'une visite du couple princier à Sarajevo. Les Serbes savaient l’Archiduc propice à la création, au sud de l'Autriche-Hongrie, d'une province slave et craignaient que l'Empire d'Autriche-Hongrie n’en profitât pour y incorporer leur état récemment agrandi et très jaloux de son indépendance. Des associations de patriotes extrémistes avaient décidé de faire disparaître l'Archiduc.
L'équilibre entre les Puissances balkaniques étant des plus précaires, il était à craindre que cet attentat mît le feu aux poudres et l'on se demanda même s'il n'avait pas été fomenté par l'Allemagne qui désirait la Guerre pour assoire son hégémonie économique.
L'Empereur d'Autriche-Hongrie François-Joseph était, quant à lui, persuadé qu'il pourrait écraser la Serbie avant que les Grandes Puissances aient pu réagir.
D'autre part, la Russie ne pouvait laisser écraser la Serbie sans la soutenir. L'Allemagne, ayant un traité d'alliance avec l'Autriche-Hongrie, serait alors entraînée dans la guerre et la France, dans ce cas, devrait soutenir la Russie avec laquelle elle-même était liée par une alliance.
Le cercle infernal risquait ainsi de se fermer et ce n'est pas sans angoisse que le monde suivait les péripéties des négociations austro-serbes en ce début de juillet 1914.
Le 8 juillet, j'étais reçu à mon baccalauréat de mathématiques élémentaires et le 12 juillet, à mon baccalauréat de philosophie. Nous partions le lendemain à Uckange d'où nous devions revenir vers le 20 juillet pour voir mon oncle Ludovic Sérot-Alméras et sa famille qui devait passer quelques jours chez ma grand-mère avant de se rendre en vacances dans leur propriété de Don-le-Mesnil, entre Sedan et Charleville.
A Metz, Thionville, Uckange, tout était calme. On ne voyait aucun mouvement de troupes, alors qu'en 1912, lors de l'affaire d'Agadir qui avait failli entraîner la guerre, les préparatifs militaires se traduisaient par un grand trafic de convois sur la route de Metz-Thionville.
Nous avons donc quitté Uckange, ma grand-mère Bernard-Michel, sans appréhension, ne constatant aucune agitation anormale sur notre parcours. A notre arrivée en gare de Nancy, il n'en était pas de même, hélas! Le 5ème d'artillerie était en gare et chargeait ses caisses de munitions. La population angoissée voyait venir la guerre, avec toutefois grand calme et détermination. Mais l'on sentait bien, par le contraste des deux côtés de la frontière, que les Allemands voulaient la guerre et étaient prêts, alors que les Français étaient surpris par elle.
La réunion avec mon oncle dura peu. Moins de 24 heures après notre arrivée, il était rappelé d'urgence à son poste de sous-chef d'état-major du 7ème Corps d’Armée à Besançon, ayant laissé à ma Tante la consigne de ne pas s'attarder à Nancy et de rejoindre les Ardennes dans les 48 heures, ce qui prouve aussi que notre état-major n'avait pas pris au sérieux le plan Allemand Schlieffen qui prévoyait l'invasion par l'Allemagne du Luxembourg et de la Belgique dont il avait eu cependant connaissance.
Ce furent alors les heures d'attente avec le départ des troupes de la garnison pour leurs positions de couverture, l'annonce du retrait de 10 kilomètres en deçà de la frontière pour montrer notre désir de paix. Mon père partit dans les derniers jours de juillet chercher ma grand-mère Bernard-Michel à Uckange, mais elle refusa de le suivre, pensant sauver la maison. Mon père revint donc seul par le dernier train. Le train suivant n’allait plus jusqu’à la frontière allemande et il fallait faire à pied le trajet Novéant-Pagny, la frontière n'étant pas encore fermée. C'est ce que durent faire le colonel de Miscault et la générale Weygand, qu'elle aida à transporter sa valise très lourde, remplie d'argenterie.
Source : Quelques souvenirs de la guerre 14-18, par Joseph BERNARD-MICHEL
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