Pierre JOLY est un des plus illustres messins nés dans le 16ème siècle. Issu d'une famille noble et protestante, il fut l'oncle maternel de Paul FERRY et acquit une grande célébrité par l'honorable emploi qu'il géra et par ses connaissances profondes et variées. Versé en jurisprudence, aussi bon mathématicien que littérateur instruit, excellent helléniste, possédant les auteurs grecs et latins beaucoup mieux qu'on ne les possédait généralement à cette époque ; il eût marqué dans la république des lettres si des fonctions de haute magistrature n'avaient occupé ses moindres loisirs. Henri IV ayant établi, par lettres-patentes données au camp de Châlons, le 16 juillet 1592, une charge de procureur général au parlement de Metz, la confia à Pierre JOLY "auquel état, dit-il, voulant pourvoir de personne capable, savoir faisons que nous à pleine confiance de la personne de notre amé et féal maître Pierre JOLY, et de ses forces, suffisance, littérature et grande expérience, en considération aussi des bons et recommendables services qu'il a faits à nos prédécesseurs et à nous, en plus grandes et importantes affaires, ès quelles il y a été employé. A icelui pour ces causes.... donnons, etc. le dit état, etc".
Portrait de Pierre JOLY
Pierre JOLY remplissait ces éminentes fonctions, en 1601, époque à laquelle il fut impliqué dans une affaire fameuse que la calomnie suscita à plusieurs citoyens de Metz. On les accusait d'être favorables au comte de MANSFELD, gouverneur de Luxembourg, et d'avoir eu le dessein de leur livrer la ville. Les sieurs de SOBOLES, de la maison de COMINGE, dont l'aîné commandait Metz et la citadelle, et qui exerçaient dans nos murs la plus horrible tyrannie, furent les premiers auteurs de ces soupçons calomnieux dont le véritable but était de perdre ceux dont l'influence pouvait être préjudiciable à leurs coupables projets. Le 21 avril, arrivèrent à Metz deux présidens de Paris, ayant ordre d'instruire contre les coupables. On arrêta et l'on mit à la citadelle Pierre JOLY, Jacques PRAILLON, ancien maître-échevin et premier Treize, Jean BACHELLE, receveur de la ville, Charles SERTORIUS, Jean HUMBERT, dit Bonhomme, Jérémie LE GOULLON, greffier de la ville, et Jean COPPEREL le jeune. Après deux mois de détention, ils furent envoyés au roi, sous la garde du prevôt des maréchaux. Le parlement de Paris instruisit leur procès, et un premier arrêt, du 20 septembre 1601, fit éclater leur innocence, mais ordonna, en même temps, de plus amples informations à l'égard de Pierre JOLY, dont le rang élevé exigeait une justification parfaite basée sur l'examen le plus approfondi des préventions élevées contre lui. Il fut mis en liberté avec ses coaccusés, mais avec défense de sortir de la ville et des faubourgs de Paris. Ce fut le 30 mars 1602 qu'un second arrêt du parlement de Paris opéra la justification complète du procureur général de Metz. Henri IV voulut la rendre encore plus éclatante, en lui faisant expédier des lettres-patentes, remplies des témoignages les plus honorables de son innocence et de sa fidélité ... afin que sa foi et loyauté à notre service ne puissent être révoquées en doute entre ses concitoyens, et partout ailleurs où il est reconnu : à ces causes, savoir faisons, qu'étant duement informé de l'innocence dudit JOLY, tant pat ledit arrêt, que par ses actions et déportemens passés ; bien mémoratif aussi des fidèles et recommandables services qui nous ont été fait par lui, tant en la charge de notre Procureur-Général esdites villes et pays, qu'en plusieurs bonnes, grandes et importantes occasions, esquelles il a été employé par nous et nos prédécesseurs ; nous avons, de Pavis de notre Conseil, et de notre certaine science, pleine puissance et autorité royale, dit, déclaré, disons et déclarons par ces présentes signées de notre main, ledit Joly être non seulement pur et innocent des cas et crimes à lui imposés, mais aussi très-digne de la continuation de notre bienveillance et faveur. Voulons et ordonnons à cette occasion qu'il soit reconnu tel d'un chacun, et qu'il lui soit permis de faire publier partout où il jugera nécessaire notre présente déclaration, comme aussi de la faire enrégistrer ès régistres des greffes desdites Ville et Pays, pour mémoire perpétuelle à l'avenir de son innocence, fidélité et prud'hommie : Car tel est notre plaisir, etc. (Fontainebleau, 2 avril 1602.)
Armoiries de Pierre JOLY
Ces lettres-patentes furent adressées au président de Metz, avec une lettre particulière où l'on voit combien ce prince prit intérêt à la réputation de son digne sujet. Henri IV écrivit, en même temps, au Maitre-Echevin, Treizes et conseil de Metz, pour leur apprendre le triomphe de leur compatriote. "On ne sait, dit EMMERY, de qui cette lettre fait le plus l'éloge, ou du bon roi qui l'a écrite, ou de ceux à qui elle fut adressée, ou de celui qui en fut l'occasion". Comme nos historiens ne paraissent pas avoir connu ces différentes pièces, quoiqu'elles eussent été imprimées à Paris, par Réné RUELLE, en 1602, EMMERY les inséra dans le recueil des édits et déclarations, etc., du Parlement de Metz.
Pierre JOLY ne se borna point à faire enregistrer et afficher les actes de sa justification, il fit, en outre, frapper des médailles d'argent de la forme et du poids d'un écu de trois livres. Elles représentent d'un côté le buste de Pierre JOLY, revêtu de la robe de sénateur, avec cette légende: Petrus Lepidus. Au revers, un homme debout a la pointe du pied gauche appuyée sur un rivage battu par des flots, et le pied droit posé sur un vaisseau violemment agité par la tempête. Dans une position si désespérée, cet homme lève les mains vers le ciel, et des nuages écartés lui laissent entrevoir le nom de Jéhovah. Ce revers, tout allégorique, a pour âme ces mots : Cash luta quies ; mon salut vient du ciel. Pierre JOLY fit bâtir, au village de Biomille, un château qui subsistait encore avant la révolution. Ses armes étaient : d'azur à la face d'or, chargées d'une aigle éployée d'argent en chef, et d'une rose de même, en pointe. Henri IV le chargea de plusieurs commissions honorables, et, entr'autres, de celle de recevoir à Dieulouard, de la part de l'évêque de Verdun en personne, la démission de tous ses droits régaliens en faveur du roi.
Pierre JOLY mourut en 1622, universellement regretté. Il eut de nombreux amis parmi les personnes les plus distinguées de la province. Abraham FABERT, le père, l'illustre antiquaire BOISSARD étaient dans son intimité. Il traduisit même les quatrains emblématiques de ce dernier.
Un médaillon en marbre blanc, représentant Pierre Joly, orne une des salles de la commune de Metz.
Source : Biographie de la Moselle, par Émile Auguste Nicolas Jules Bégin
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