ARTICLE 1 : L’ASCENSION FULGURANTE DE CHARLES DU LYS
Charles du LYS fut, pendant plusieurs siècles, le généalogiste de référence de la descendance d’ARC du LYS, encensé par tous les érudits s’intéressant à Jeanne d’ARC et sa famille. Cependant, à la fin du 19ème siècle, la découverte de nouveaux actes mit à mal l’ensemble de son système généalogique. Qui plus est, son manque de sérieux inexcusable dans l’établissement de plusieurs autres généalogies finirent de le déchoir définitivement de son piédestal. Nombreux furent ceux qui l’affublèrent du titre d’imposteur.
Qu’il fut un généalogiste approximatif est un fait indéniable. Mais peut-on dire qu’il alla jusqu’à être un véritable imposteur ? Il me parait intéressant d’écrire une série d’articles qui permettra au lecteur de se faire sa propre opinion.
Mais tout d’abord, dans ce premier article, commençons par mieux connaitre le personnage en retraçant brièvement sa biographie.
Charles du LYS est né en 1557. Il est à noter qu’il n’avait que 5 ans à la mort de son père. Autant dire que la veuve du LYS eut probablement des moyens financiers modestes pour élever ses trois enfants. Elle réussit cependant à assurer un cursus universitaire de qualité à ses deux fils, permettant ainsi à Charles de devenir avocat et à Luc de devenir notaire. De plus, sa fille fit une belle alliance en épousant Jean CHANTEREL, conseiller du roi et auditeur en sa chambre des comptes à Paris.
Une fois ses études terminées, Charles du LYS commença alors sa carrière en tant qu’avocat au barreau de Paris et exerça, en outre, la fonction officieuse de substitut du procureur général du roi. En mai 1586, Henri III, agacé par ces postes échappant à son contrôle, émit un édit d’érection, en titre d’office, des substituts des procureurs généraux du roi et des adjoints aux conseillers du roi, avec exécution en novembre 1586. Sa fonction devint alors une charge officielle du royaume. Il semble que Charles du LYS fut aussi le bailli de Pomponne de BELLIEVRE à Grignon.
Le 12 mai 1588, le roi Henri III fut chassé de Paris par la journée des barricades. La Cour se réfugia d’abord à Chartres, puis, devant l’avancée des troupes des ligueurs, à Blois. Par la suite, après avoir fait assassiner le duc Henri de GUISE, Henri III ordonna à tous ses officiers royaux de venir le retrouver à Tours avant le 15 avril 1589. Mais bien peu furent ceux qui répondirent à cet appel d’autant plus qu’Henri III décéda le 2 août 1589, remplacé par le très controversé roi Henri IV.
Il est important de noter que Charles du LYS, pourtant de religion catholique, resta entièrement dévoué à Henri III et Henri IV : il déménagea donc immédiatement vers Tours. Il y retrouva alors François VIETE, mathématicien, inventeur de l’algèbre moderne, maître des requêtes, conseiller et proche du roi Henri IV. Il devint l’un de ses deux secrétaires (Pierre ALEAUME, d’Orléans, étant le second).
Or, Henri IV souhaitait déchiffrer les messages cryptés interceptés des puissances rivales de la France. « Il avait bien confié aux paléographes de son temps, pour qu’ils cherchassent à les déchiffrer, les lettres qu’il avait saisies et dont il lui importait de connaître le contenu, mais les plus habiles y avaient perdu leur temps. Le roi songea alors à VIETE. Bien que les abstractions de l’algèbre fussent étrangères à cette étude, le savant mathématicien se mit à l’œuvre et trouva sans peine la clef d’une langue qui lui devint bientôt familière. Il en instruisit DULYS, son secrétaire, pour qu’à son défaut, rien des lettres interceptées ne restât inconnu ». Entre 1588 et 1594, plus d’une dizaine de liasses de messages étaient à déchiffrer par mois.
Bref, il apparait que Charles du LYS, grâce à François VIETE, prit part aux secrets des plus grandes affaires du royaume et devint vite un personnage indispensable à Henri IV ce qui explique ses récompenses successives reçues.
Tout d’abord, en juillet 1593, suite à l’épisode de la Ligue, Henri IV émit un édit de réduction au nombre de huit, des offices de conseillers du roi et substituts de Monsieur le procureur général au Parlement de Paris : « comme le défunt roi …, sur la rébellion et félonie de ses sujets de la ville de Paris, eut interdit la Cour de Parlement y étant, et icelle transférée en notre ville de Tours où elle est de présent séant … de nous ait été enjoint et ordonné à nos officiers de sortir hors de ladite ville et de nous venir rendre l’obéissance et service qu’ils nous doivent, sous peine de privation de leurs offices … Qu’au contraire, ils se seraient presque tous du depuis, non seulement tenus dans notre dite ville de Paris, mais aussi y auraient exercé et exercent encore aujourd’hui leurs dites charges et offices de substituts, au grand mépris … de nos dites déclarations … aurait été ordonné que lesdits offices de substituts, de ceux qui sont ainsi demeurés en villes rebelles, seraient supprimés, et qu’au lieu d’iceux, maîtres Louys DURET et Charles du LIS, qui de longtemps ont exercé lesdites charges, auparavant l’Edit d’érection d’icelles en titre d’office, et qui seuls nous ont rendu le service en icelle depuis la translation dudit Parlement, en l’absence des autres, demeureraient et seraient continués en exercice d’icelles … ordonnons que ceux qui seuls ont fait l’exercice des dites charges depuis la translation de notre dit parlement, pendant la rébellion des autres, savoir est les dits DURET et du LIS, soient maintenus et pourvus chacun de l’un des dits offices du nombre de huit … Donné à Saint-Denis au mois de juillet 1593 … ».
Par la suite, le 4 décembre 1601, Henri IV rédigea un arrêt autorisant maître Charles du LIS à résigner l’office de substitut du procureur général au Parlement et à prendre sans finance l’office d’avocat général en la Cour des aides. Enfin, le 08/01/1602, Charles du LIS fut reçu à la Cour des aides « aux gages ordinaires de 333 escus un tiers », en remplacement et par résignation d’Henri AUBERT, son prédécesseur. Il fut reçu, disent formellement les registres, « sur informations faites d’office par la cour et après que, par ses mérites, il a été dispensé de l’examen ».
Dans son épitre au roi, Charles du LIS fit allusion, en ces termes, au double emploi qu’il remplit successivement dans les rangs de la magistrature :
Il me souvient encore et souviendra toujours
Que pour t’avoir servy au parlement de Tours,
Ayant part aux secrets de tes plus grandes affaires
Au parquet de tes gens à l’Estat nécessaires,
(Je diray tout cecy sans m’en glorifier)
Tu voulus, Ô grand roy, pour me gratifier,
Par un édit exprès qui me fut favorable,
Créer à mon sujet un office honorable,
Dont je me vis pourvu, quasi sans y penser,
Sans brigue, sans courir et sans rien financer :
Voire mesme en un temps où l’argent assez rare
Eût excusé de voir un trésorier avare.
Et comme on voit un bien d’un autre réussir,
Ta majesté voulut encore me choisir,
Entre les contendans qui poursuivoient l’office
D’advocat général, dont je fais l’exercice
Pour maintenir tes droits et te donner moyen
De garder l’intérest du public et le tien
En la cour souveraine où ta justice sainte
Entretient ta grandeur et tes subjects en crainte,
Faisant également, sans fraude et sans abus,
Rendre par les subjects à Caesar ses tribus.
Puis m’ayant en cela ta faveur départie,
Tu me remis encor la meilleure partie.
Du prix de cet office, et ainsi m’obligeant,
Tu voulus préférer mon service à l’argent.
La Cour des Aides vérifiait souverainement les pouvoirs de tous les officiers de sa juridiction, notamment les juges de juridictions fiscales de première instance : les élus des élections, les grenetiers des greniers à sel, les juges des traites. La Cour des aides, comme le Parlement, était aussi chargée de transcrire certains actes du pouvoir royal, une loi, un édit, un arrêt sur le registre du tribunal pour qu’il s’y conforme. Ce droit d’enregistrement s’accompagnait d’un droit de vérification, d’examen, de remontrance voire de modification des édits bursaux : création de taxes nouvelles, renforcement du rendement des impôts. Enfin, la Cour des aides était amenée à juger de la noblesse des personnes à l’occasion des litiges en matière fiscale, et lorsqu’elle enregistrait les privilèges fiscaux. Deux conditions essentielles étaient exigées par la Cour dans les enquêtes qu’elle ordonnait à cette époque-là, avant d’entériner un titre de noblesse : la preuve généalogique et le genre de vie noble. On peut donc comprendre l’intérêt de Charles du LYS pour cette question.
Charles du LIS inaugura son ministère près cette cour de justice en provoquant d’utiles réformes au sein de son administration intérieure. Il se montra également un vigilant défenseur, même contre l’autorité royale, des privilèges et prérogatives du corps auquel il était attaché. Cette ligne de conduite, jointe aux talents distingués de Charles du LIS, bornèrent, selon toute vraisemblance, son avancement dans sa carrière. Ils lui valurent, d’un autre côté, l’accroissement de sa considération personnelle, notamment au sein de sa compagnie. L’avocat général du roi ne tarda pas à devenir l’âme du parquet et l’organe aimé de la cour des aides dans ses relations extérieures ou dans la négociation de ses plus délicates affaires.
A partir de 1620 environ, les mentions de Charles du LIS deviennent de moins en moins fréquentes dans les registres. Atteint probablement par l’âge et le besoin de repos, on le voit se relâcher peu à peu de l’assiduité, de l’activité de ses fonctions. Par lettres approbatives du roi en date du 08/05/1629, et sur la résignation du titulaire, maître LE BOSSU fut pourvu de son office et fut reçu, comme avocat général en la Cour des Aides, le 3 août de la même année. Charles du LYS décéda vraisemblablement à la fin de l’année 1632.
Charles du LYS avait épousé, vers 1580, Catherine de CAILLY. De cette union naquirent 1 fils et 2 filles. Le premier enfant s’appela Charles comme son père. Il fut institué principal du Collège de Boissy en 1602. Cette charge entraînait le célibat de la part du titulaire. Charles du LIS fils mourut donc sans postérité. Charles du LIS, avocat-général, avait rédigé un projet de lettres patentes, dont le texte se conserve parmi les manuscrits de PEIRESC à Carpentras. Ces lettres patentes, analogues à celles que lui-même avait obtenues en 1612 pour lui et son frère, auraient eu pour objet de conférer à ses enfants l’autorisation de porter sur les armes paternelles écartelées, l’écu de Cailly, en cœur. Mais les lettres en question demeurèrent à l’état de projet.
Françoise du LIS, la première des filles, épousa Louis QUATREHOMMES et fut mère d’autre Louis QUATREHOMMES. Le gendre et le petit-gendre de Charles du LIS furent conseillers à la cour des aides et perpétuèrent, dans cette magistrature, le souvenir de l’avocat-général.
Enfin, Catherine du LIS, la dernière, fut mariée à Richard de PICHON, trésorier du roi en Guyenne. Ils eurent pour uniques héritiers François et Valentine de PICHON, leurs enfants : François se fit carme et Valentine carmélite à Bordeaux.
Voilà donc ce que fut la vie de Charles du LYS : ce personnage fit fait preuve d’une fidélité sans faille aux rois de France successifs, quelle que soit leur religion, et il mena une carrière professionnelle plutôt honorable. Bref, rien ne peut lui être reproché sur ces aspects de sa vie, bien au contraire.
Dans le prochain article, nous nous intéresserons au premier degré de son ascendance, qui apportera déjà son lot de surprises…
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