vendredi 15 novembre 2013

Philippe SERVAIS, notaire à Mersch au 18ème siècle

Né vers 1738 à Meysembourg, Philippe Servais épousa en premières noces Catherine LA CROIX (*) née en la belle maison de Mersch connue aujourd'hui sous le nom de Maison Servais et qui, construite en 1719 (**) par les époux J. P. Lacroix et Appoline Reiff, portait d'abord le nom de « an E'sterreichesch ».


Remarquable à l'extérieur aussi bien qu'à l'intérieur, l'immeuble est représentatif pour l'architecture de l'époque et, abstraction faite de quelques châteaux, constitue probablement la plus belle demeure privée du pays datant du 18ème siècle.

La maison contient entre autres un portrait du prince Eugène sous le commandement de qui le gouverneur Fréd. d'Autel (1645-1716) avait combattu. Comme du temps de la construction de la maison, Charlotte d'Autel était dame de Mersch, on comprend comment le portrait passa du château de Mersch en la nouvelle maison; cela explique aussi pourquoi on admettait longtemps qu'il représentait le gouverneur d'Autel. C'est L. Wirion qui redressa l'erreur.

Ne quittons pas la maison Servais sans relever la si intéressante croix de chemin dite « Lacroix Kreiz », qui porte le millésime 1736 et est encastrée dans le mur de clôture.

Le 16.08.1763 Philippe Servais fut nommé notaire impérial, fonctions auxquelles était attaché le droit de tenir cabaret.  On n'est donc pas étonné d'apprendre que la maison Servais, dotée d'immenses écuries, était relais de diligences, surtout des postes spéciales utilisées par les personnes de qualité.

De 1766, date la nomination de Servais comme bailli de la seigneurie de Mersch appartenant à ce moment au justicier des nobles Phil. Evrard Mohr de Waldt, baron d'Autel, tué en duel en 1767 par le comte Phil. de Cobenzl, chargé par l'impératrice Marie-Thérèse, par décret du 12.03.1766, du contrôle des données cadastrales.

A ce propos, c'est Ph.  Servais qui dressa et signa le relevé des propriétés du baron Mohr de Waldt dont, entre autres, la vouerie de Feulen.

Jusqu'au temps de la Révolution nous n'avons plus rencontré qu'une seule fois le nom de Philippe Servais : après 1770, quand il se qualifiait d' « officialis in Meysemburg ».

Pendant la Campagne de France, en 1792, un état-major austroprussien prit logement en la maison Servais. Un des officiers fut le capitaine G. L. von Blücher, futur maréchal.

Et quand le lieutenant général B. Beaulieu, après avoir dû se retirer en avril 1794 devant les troupes françaises et abandonner Arlon - point de contact avec l'armée principale des Pays-Bas autrichiens et centre de ravitaillement de la forteresse de Luxembourg - réforma son corps dans la vallée de Mersch, il logea à partir du 18 avril dans la maison Servais, avec son adjudant, le lieutenant Venceslas de Radetzky, également futur maréchal.

C'est de Mersch que les 6 000 Autrichiens se rendirent via Ospern à Attert, Guirseh, Bonnert, Clairefontaine où eut lieu l'attaque du 30 avril et où les 22 000 Français durent battre en retraite. Les bourgeois de Luxembourg, en liesse, envoyèrent moultes barriques et victuailles à Arlon, mais on sait que cette victoire, si imprévue, ne fit que différer la reddition de la forteresse en 1795.

Au début, et comme beaucoup de ses compatriotes, Philippe Servais éprouvait les plus grandes réticences à l'endroit des occupants français et de leurs idées révolutionnaires.

Aussi ne se fit-il pas faute de cacher chez soi son frère, l'ex-bénédictin réfractaire ainsi que le curé Krips de qui la cachette auprès de Jean-Nicolas Servais, frère de Philippe, était sur le point d'être découverte.

Avec le temps, Philippe ne semble plus avoir eu tant d'aversion à l'égard des Français et c'est avec un grand souci d'objectivité qu'il exerça les fonctions de juge de paix du 29.07.1795 au 02.02.1801 (28).

Il devait avoir une belle bibliothèque dont les restes sont parvenus jusqu'à un de ses descendants, M. Maurice Mongenast. Voici quelques titres de livres portant l'ex-libris du notaire Philippe Servais:

1.    De Emptione et Venditione etc, par Fabiani de Monte 'S.  Sabini etc., Coloniae, 1574.
2.    Code de Justinien, T. II, chez les Héritiers d'Eustache Vignon, 1606.
3.    Via Vitae Aeternae par le R. P. Antoine Sucquet S. J., Edition illustrée de nombreuses gravures symboliques, 1620.
4.    Recueil d'Edits, Ordonnances etc. concernant les Duché de Luxembourg et Comté de Chiny, chez André Chevalier, Luxembourg, 1691.
5.    Practicarum Observationum ad Processum Judiciarium par Andreas Gail, chez Metternich, Cologne, 1721.
6.    Erleichterte Arzneykrâuterwissenschaft par J. Ch Schäffers avec 4 planches coloriées, 2ème édition chez J. L. Montag, Regensburg
7.    Histoire de la dernière guerre commencée en l'an 1756, Berlin 1768.
8.    Antiquilatum Romanorum Jurisprudentiam Illustrantium Synt. par Jo.  Gott.  Henr.  ICTI, chez H. L. Broenner, Francfort 1771.
9.    Observations philosophiques sur les systèmes de Newton, Dialogues des Mots etc. par l'abbé Flexier de Réval, Paris 1778.
10.    Des Empêchements conc. le Contrat de Mariage dans les Pays-Bas Autrichiens par M. d'Outrepont, Bruxelles 1787.

Philippe Servais mourut à Mersch le 02.11.1801.

Catherine Lacroix étant décédée sans laisser d'enfants, il avait épousé le 21.07.1770 la soeur de sa femme défunte, Anne-Marguerite LACROIX, qui lui donna trois enfants.

* D'après une tradition de famille, les Lacroix seraient issus de la famille noble lorraine de Bellecroix d'Argenteau.
** J. GROB (Gesch. u. Herrsch.  Mersch, 1900, p 172) se trompe donc en prétendant que Lacroix, cité dans le dénombrement de 1713, habitait à ce moment l'actuelle maison Servais. Il s'agit sûrement de l'ancienne maison de la famille d'Udange située face à la maison Lacroix à construire; c'est que la belle-mère de Lacroix était une d'Udange.

Source : Biographie nationale du pays du Luxembourg fasc 20



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