lundi 18 novembre 2013

Auguste GILLARD, président de l'automobile club liegeois au 19ème siècle

Auguste Gillard est une des personnalités marquantes du monde industriel liégeois de la « Belle Epoque ». Outre ses activités industrielles à la direction des établissements de la Vieil­le-Montagne à Angleur, spécialisés dans la métallurgie du zinc, il s’est intéressé, et même passionné, pour l’automobile, dont il a été un des premiers à Liège à entrevoir l’extraordinaire avenir.

Mieux que sa généalogie agnatique, l’analyse de ses quartiers permettra sans doute d’apprécier dans quelle mesure les diverses lignées dont il descend l’ont porté à la situation en vue qui a été la sienne, en d’autres mots, dans quelle mesure il est le produit de son milieu familial. Mais on verra aussi, par sa biographie, qu’Auguste Gillard doit en grande partie sa situation à son travail, à son énergie et à son intelligence.



FéIix-Auguste GILLARD est né au château de Wanze, près de Huy, le 24 août 1855, fils d’Antoine-Nicolas-Adolphe, marchand tanneur, et d’Euphémie-Alexienne­ Gillard. Après ses premières études à Huy, il poursuit son instruction à Couvin, Bru­xelles et Paris. En 1875, à vingt ans, il va completer ses connaissances commerciales et linguistiques à l’institut de commerce de Lubeck, à Hambourg et à Aix-la-Cha­pelle. Trois ans plus tard, le 11 mars 1878, il entre dans l’administration de la S A des Mines et Fonderies de la Vieille-Montagne à Angleur, près de Liège. Il y restera toute sa vie.

D’abord inspecteur pendant six ans, il devient chef du secrétariat en 1886 puis, douze ans plus tard, il succède à Mr Hachette, décédé, comme secrétaire général de cette importante société liégeoise. Il s’intéresse notamment aux questions sociales et c’est à son initiative que la Vieille-Montagne crée une caisse de retraite pour les em­ployés et plusieurs autres institutions de prévoyance.

On sait que la Vieille-Montagne remonte à l’époque où l’abbé Jean-Jacques Dony (1759-1819), inventeur du procédé moderne de métallurgie du zinc, obtient en 1806 de Napoléon la concession des gisements zincifères de la Vieille-Montagne (Altenberg) à Moresnet. Cet étonnant abbé industriel entreprend alors la construction à Liège de la première usine où est appliqué son procédé. La fondation réelle de la société ne date cependant que de 1837, lorsque les enfants de Dominique Mosselman (+ 1840) décident d’investir dans la mine de Moresnet et de constituer une société au capital de cinq millions (porté à sept en 1852). Au début, la société comprend la mine de calamine de Moresnet-Neutre, la fonderie de zinc de Saint-Léonard à Liège, trois petits laminoirs à l’étranger et l’usine d’Angleur, encore en construction sur les bords de l’Ourthe. Les laminoirs de Bray, en France, et de Tilff, près de Liège, vien­dront s’y ajouter quelques mois plus tard.

A la fin du XIXème siècle, la Vieille-Montagne se trouve sous la direction énergique des Calley Saint-Paul de Sinçay, une famille française. Le 10 juillet 1903 restera une date mémorable pour Auguste Gillard : on célèbre à Angleur le 25e anniversaire de son entrée à la Vieille-Montagne. Un banquet de cinquante couverts lui est offert par le conseil d'administration, le collège des commissaires, les directeurs et chefs de ser­vice. Télégrammes et cartes de visite affluent. On les a conservés, de même que les remerciements du jubilaire. On y voit défiler le Tout-Liège de l’industrie, de la finance, de la magistrature. M Gaston de Sinçay, administrateur directeur général, pro­nonce un discours qui sera imprimé avec la réponse de Mr Gillard, de même que le menu, orné de son portrait. M de Sinçay associe à son hommage les filiales de la Vieille-Montagne en France, en Allemagne, en Angleterre, en Suède, en Italie, en Sardaigne, en Algérie « et aussi au-dela de l’Océan ». Mr Gillard représente, dit-il, ce fameux «esprit Vieille-Montagne». Et de louer ses qualités : diplomatie, énergie, bien­veillance, générosité, dévouement, associant Mme Gillard à son hommage. Mr Fré­deric Braconier, président du Conseil, prend la parole à son tour et remet à Mr Gillard une superbe pièce d’orfèvrerie, un surtout de table en argent. L’ harmonie de la Vieille-Montagne, massée sous les fenêtres de l’hôtel de M de Sinçay, où se déroulent ces festivités, ponctue alors ces bonnes paroles «de la façon la plus agréable», ajoute le journaliste de La Meuse.

Autour de la table, présidée par Fredéric Braconier, président, on notait la pré­sence d'Emile Dupont, vice-president du sénat et administrateur de la Vieille-Mon­tagne, des barons Fernand de Macar et William del Marmol, également administra­teurs, de Mr Hottinguer, administrateur, de MM. Jules Nagelmackers et van Hoe­gaerden, commissaires, et des directeurs des diverses succursales de Paris.

La Vieille-Montagne est alors en pleine expansion. Elle compte vingt-deux établissements industriels occupant plus de 12 000 personnes. Elle fait figure de précur­seur en matière de prévoyance sociale. C’est un des plus puissants groupes indus­triels du pays.
Malgré ses lourdes responsabilités, Auguste Gillard s’intéresse aux arts et aux sports, suivant de près les manifestations liégeoises dans ces domaines. A sa mort, le journal La Meuse le décrira comme «un grand sportsman et surtout un fervent au­tomobiliste qui fut l’un des premiers à entrevoir l’avenir des locomotions mécaniques et à seconder leur essor».

Auguste Gillard est en effet l’un des tout premiers, très exactement le troisième Liégeois à posséder une voiture automobile, en l’occurrence une Germain belge, do­tée d’un moteur Panhard à deux cylindres, millésimée 1897 et sortie des usines de Monceau-sur-Sambre l’année suivante. La voiture n’avait pas de pneus, mais des pleins comme on disait alors. En 1901, à une époque où l’automobile est encore davantage un sport qu’un moyen de locomotion, il entreprend avec cette voiture un voyage de Liège à Guéthary, entre Biarritz et Saint-Sébastien, avec sa femme, sa fille aînée Fanny et le chauffeur Arthur. On faisait des étapes de 200 km par jour environ et il fallut sept jours pour atteindre l’extrême Sud-Est de la France. Ce voyage ap­paraît comme une véritable performance, car les automobilistes ne pouvaient guère compter sur des services de dépannage organisés ni sur de fréquents postes d’essen­ce. Il fallait s’équiper de pied en cap pour affronter le vent que n’arrêtait aucun pare-brise. A Guéthary, les voyageurs séjournèrent une quinzaine de jours chez le direc­teur parisien de la Vieille-Montagne et Mme Maneuvrier. Le retour s’effectua par Pau, Lourdes, le cirque de Gavarnie et Paris. Pour la montagne, " il y avait une barre de fer qu’on faisait tomber pour ne pas reculer ". Auguste Gillard eut ensuite une petite voiture Vivinus ouverte. La carrosserie prit feu un jour à cause des brûleurs. A cet égard, la troisième automobile d’Auguste Gillard, encore une Germain, de qua­tre cylindres cette fois, protégeait beaucoup mieux ses passagers.

Dès 1898, avec quelques amis liégeois qui partagent sa passion, Auguste Gillard fonde l’Automobile-Club liégeois, dont il devient en 1901 le troisième président. Jusqu’à la fin de sa vie, il consacrera à ce club, à la fois sportif, touristique et mondain, une grande part de son activité.


Auguste Gillard avait un frère aîné, Emile, volontaire de carrière dans l’armée belge, mort célibataire des suites d’un typhus contracté lors de la mobilisation de 1870-1871 à la frontière franco-belge. Il a aussi deux soeurs. Marie-Pauline, artiste peintre, décédée sans alliance à Bruxelles en 1889, et Alice, également morte non ma­riée, renversée par une voiture à Liège en 1931. En 1880, ils perdent leur père, mort ruiné pour avoir garanti de son aval un beau-frère malchanceux. Devenu le soutien de sa mere et de ses deux soeurs, Auguste Gillard doit accepter un emploi juge mo­deste à la Vieille-Montagne. Ses epreuves de jeunesse ont sans doute suscite chez lui l’acharnement que, toute sa vie, il mettra au travail et qui lui permettra d’accomplir une carrière de premier plan dans une des plus importantes societes industrielles du pays.

Auguste Gillard est mort à Valmont, près de Montreux (Vaud, Suisse), le 3 de­cembre 1921, des suites d’une maladie qui le tenait éloigne de Liège depuis quelques mois. Il est inhumé au vieux cimetière de la Diguette à Angleur. Il était officier de l’Ordre de Leopold, officier de l’Ordre de la Couronne d’Italie, chevalier de l’Ordre du Nichanfukhar (Tunisie), porteur de la médaille industrielle de 1ère classe, administrateur de la S A des chemins de fer de Welkenraedt à Aix-la-Chapelle (Jonction belgo-prussienne) et, semble-t-il, membre fondateur d’une Societé d’études belgo-ja­ponaises.

Il menait grand train, voyageait heaucoup, recevait tout autant. Il avait achete en 1896 à Mr Neuville un bel hôtel de maitre rue Sainte-Marie a Liege, auquel il avait apporte de nombreux aménagements. Il avait aussi bâti en 1918 l’immeuble voisin, ou il avait installe une de ses filles.

Auguste Gillard a épousé à Verviers (mariage religieux à Pepinster) le 1er sep­tembre 1883 Marie-Adélaïde-Eugénie VERCKEN, née à Liège le 11 février 1860, y décédée le 24 juillet 1917, enfant unique d'Alfred-H-Auguste, industriel, coproprié­taire de la filature Lieutenant, devenue Textile de Pepinster, et de Françoise-Caro­line-Eugénie dite Fanny Kaiser.

Marie Vercken descend d’une vieille famille eupenoise, en possession de la sei­gneurie et du château de Vreuschemen, à Baelen-sur-Vesdre, depuis la fin du XVIème siècle. Son oncle Léon Vercken, frère aîné d’Alfred, secretaire de l’institut supérieur de commerce et de la Chambre de commerce d’Anvers, administrateur directeur de la Société anversoise d’assurances «La Meuse», consul de Perse et musicien de talent, a été anobli en 1858 par Léopold 1er. Sa descendance est aujourd’hui établie en France.

Armoiries de la famille Gillard

Les époux Gillard-Vercken ont eu six enfants :
1° Fanny (née en 1884), épouse en premières noces de Gaétan de Bermondet de Cromières (1883-1918) et en secondes noces de Médéric de Labretoigne (1871-1959), assureur-conseil. Dont un fils unique du premier lit.
2° René (né en 1886), mort en bas âge
3° Valentine (1887-1974), épouse de Max de Fraipont (1888-1942), avocat. Dom postérité.
4° Marcel (1889-1973), inspecteur à la Vieille-Montagne, puis directeur de l’Encyclopédie Belgique-Congo, major de réserve honoraire, époux de Catherine dite Rinette Banneux Dont une fille décédée sans alliance
5° Emilie (1891-1981), épouse en premières noces de Carlo Verhoustraeten (1887-191 1), agent de change, en secondes noces d’André Douxchamps (1883-1918), ingénieur civil des mines et électricien, directeur de la Société métallurgique austro­belge de Corphalie, près de Huy (15) assistant à l’Université de Liège, et en troisièmes noces d’Hector Robertson (l888-1953), général de brigade dans l’armée britannique, professeur à la Royal Military Academy de Woolwich et à l’Ecole supérieure de la Guerre à Paris. Dont nombreuse postérité des trois lits.
6° René (1893-1958), colon au Congo belge, administrateur délégué de la Société agricole et commerciale de Musega, époux (mariage dissous) de Liane Ophoven. Sans postérité.

La descendance du nom Gillard est donc éteinte dans les mâles en ce qui con­cerne la branche d’Auguste. Par contre, ses deux filles Valentine et Emilie sont à l’origine d’une très nombreuse descendance répandue en Belgique et en Grande-Bre­tagne.


Source : Le Parchemin, 1981, n°XXXI

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