vendredi 23 mars 2012

François ALMERAS-LA TOUR, avocat et homme politique de la fin du 18ème siècle

François-Joseph ALMERAS est né le 13 janvier 1742 à Vienne, de Joseph-Marie, avocat, et de Anne TRAINARD.
 
Armoiries de la famille Alméras La Tour

Pour se différencier de son frère aîné, comme lui homme de robe, il ajoute à son patronyme « La Tour », nom sous lequel était connue la maison qu’il avait achetée quelques années auparavant à Chuzelles, et épouse à Vienne le 18 octobre 1774 Marie-Anne, fille de Bach BENOIT, apothicaire, dont il a six enfants (1).

Avocat postulant au bailliage de Vienne (2), il exerce, sous l’ancien régime, plusieurs fonctions judiciaires importantes : « conseiller du roi, assesseur élu en l’élection de Vienne » (2bis) (installé le 30 avril 1768, il démissionne le 4 juin 1778), « assesseur en la maréchaussée générale du Dauphiné », lieutenance de Vienne, « procureur du roi aux traites » …

Notable bourgeois, il participe aussi à l’administration municipale, il est premier échevin, et aux affaires du royaume, il est nommé député de Vienne aux états de Romans (21 décembre 1788), et représente le Tiers-Etats.

Le 16 avril 1789, il fait partie des 89 notables-citoyens de Vienne qui signent le cahier de doléances de cette ville, et commence alors une nouvelle carrière pour la défense des idées nouvelles.

Son ascension politique débute le 13 juillet 1790 à l’assemblée électorale tenue à Moirans où, officier municipal de Vienne depuis le 8 février, il est élu membre de l’assemblée administrative du département de l’Isère.

Le 10 janvier 1791, il est élu président du tribunal du district de Vienne, puis député suppléant à l’assemblée législative en septembre de la même année, et ensuite à la convention l’année suivante (11 septembre 1792) : il ne siégea dans aucune de ces assemblées.

Le 22 septembre 1792, devant un grand nombre de citoyens réunis en la maison commune, François-Joseph ALMERAS, président du tribunal du district, prête le serment, prescrit par la loi du 15 août 1792 : « je jure d’être fidèle à la nation et de maintenir la liberté et l’égalité, ou de mourir en les défendant ».

Le 12 novembre suivant, à l’assemblée électorale tenue à Saint Marcellin, il est élu procureur général syndic du directoire du département de l’Isère.

Mais son ascension est terminée et sa disgrâce va bientôt commencer. Sept mois plus tard, le 27 juin 1793, après avoir été accusé de fédéralisme (3), il est suspendu (4) de ses fonctions par un arrêté des représentants du peuple envoyés près de l’armée des Alpes, Dubois-Crancé, Albitte et Gauthier, et condamné à rester un mois à Grenoble sous surveillance des autorités.

Treize jours plus tard (9 juillet 1793), un arrêté du département (5) l’autorise à se retirer dans « son pays » : il se réfugie alors dans sa propriété de Chuzelles, près de Vienne.

Le 22 juillet, Contamin Cadet et Ginet de Mure transmettent aux représentants à Grenoble, le vœu de la commune de Vienne qu’Alméras soit réintégré dans ses fonctions. Mais ceux-ci font la sourde oreille, et le 13 Brumaire (3 novembre 1793), le comité des Vingt et Un le fait rechercher à Paris.

Découvert peu après, il aurait été infailliblement arrêté si le représentant du peuple Petitjean (6), qui l’avait en grande estime, ne l’avait pris sous sa protection.

Le 12 Frimaire (2 décembre 1793), le représentant écrit au comité de surveillance de Vienne de ne pas se prononcer sur le sort d’Alméras avant qu’il eut pris connaissance de son dossier (7). Cette puissante intervention le sauve pendant plusieurs mois mais le comité des Vingt et Un ne l’a pas oublié, et le 27 Floréal an II (16 mai 1794), le dénonce de nouveau au comité de Vienne (8) qui, cédant à cette injonction, décide le 30, qu’Alméras serait écroué dans la maison d’arrêt de Saint-Joseph à Vienne (9), et que les scellés seraient apposés sur ses papiers tant à Vienne que dans sa maison de campagne de Chuzelles.

Cinq jours plus tard, le 5 prairial, les commissaires Mignot et Poleynard sont nommés pour faire une visite domiciliaire et ne trouvent rien de compromettant contre lui.

Dès la chute de Robespierre, des démarches sont tentées pour le faire mettre en liberté. Le 19 Thermidor, sa femme fait observer que son mari ne tombait pas sous le coup de la loi du 17 septembre 1793, ayant été non pas destitué, mais seulement suspendu.

Le 3 fructidor (20 août 1794), après 3 mois de détention, Alméras-Latour est enfin libéré par le comité de sûreté générale car, signale le procès verbal de la levée d’écrou, « il résulte du tableau de sa conduite politique qu’il a donné dans plusieurs circonstances des preuves de civisme ». Neuf jours plus tard, le « ci-devant » procureur général syndic de département, va se présenter pour faire enregistrer sa mise en liberté.

Mais sa famille et ses amis ne peuvent le conserver longtemps : toutes ces épreuves ont altéré sa santé et il meurt à Vienne, dans son domicile « au ban des cloîtres » (10), le 15 brumaire an III (5 novembre 1794), vers 4 heures du matin, dans sa cinquante-troizième année.

Ironie du sort, cinq mois après sa mort, qui semble être passée inaperçue en dehors de Vienne, Alméras est appelé à Paris « comme désigné par le sort pour remplacer à la convention Amar, décrété d’accusation » (11).

(1) Anne-Rose Clotilde (1775), qui ne vit que deux mois ; Marguerite Césarine (1776-1837), qui épouse Jean-Marie Sain, docteur en chirurgie : François-Joseph Victor, né en 1778, dont nous ne savons rien ; Joseph-Gabriel dont la biographie suit ; Joséphine Madeleine Félicienne qui épouse Dominique Thiébault, capitaine d'infanterie et Jeanne Françoise Hippolyte, née en 1787 dont nous ne savons rien.
(2) Avec le titre d’avocat en Parlement, c'est-à-dire reçu au Parlement de Dauphiné. Il fut aussi syndic de l’ordre des avocats.
(2bis) installé le 30 avril 1768, il démissionne le 4 juin 1778. - Bibliothèque municipale de Grenoble R. 7906-490.
(3) Appellation inexacte en ce qui concerne les autorités de notre département, qui se défendront toujours de vouloir se séparer de la Convention et qui renoncèrent loyalement à des revendications qui leur semblent légitimes, lorsqu’il leur parait évident qu'à persister, ils courent le risque de compromettre l’unité et l'indivisibilité de la République.
(4) Et non destitué, il sera remplacé par Abel Fornand-Bauvinay.
(5) Archives départementales de l’Isère, L. 73.
(6) Claude-Lazare Petitjean, commissaire près de l’armée des Alpes, est décédé le 18 ventôse II (8 mars 1794).
(7) E. Chaper : « procès-verbaux du comité de surveillance révolutionnaire de Vienne la Patriote », page 44.
(8) Archives départementales de l’isère, L 872, fol. 26 L 878.
(9) En exécution de la loi du 17 septembre 1793. Cette prison qui était une ancienne maison de correction pour les femmes et filles débauchées (Archives départementales de l'Isère, L. 154), était située au pied de Pipet.
(10) Dans une maison, aujourd’hui démolie, qui se trouvait dans la Grand’rue, en face de la rue Joseph-Brenier et sur laquelle prenait appui le pied-droit ouest de la porte principale du district des cloîtres (voir fig. 5).
(11) Dans sa séance nocturne du 12 germinal an III (1er avril 1795), la Convention décrète que Amar serait mis en état d’arrestation et traduit au château de Ham.

BIBLIOGRAPHIE (œuvres imprimées)

- Discours prononcé à l’installation du tribunal du District de Vienne, par M. Alméras, président du Tribunal civil. - Dans le procès-verbal d'installation de ce tribunal publié par E.-J. Savigné, « Les fêtes nationales à Vienne », Vienne, 1889, p 45 à 50.
- Extrait du procès-verbal du Conseil du département de l’Isère, en surveillance, du lundi 8 avril 1793.
A Grenoble. chez J.-M. Cuchet, imp. du département de l’isère. in-4°, 8 pages. Le procès-verbal contient un discours du procureur général syndic Alméras, prononcé contre le général Dumouriez.
- Rapport fait à l’assemblée administrative du département de l’Isère, dans sa séance du 24 janvier 1793, l’an second de la R.F. ; par son comité des contributions publiques sur l’excès de la portion assignée à ce département dans les trois cents millions des contributions foncières et mobilières ; suivi d’un arrêté du Conseil général (du 24 janvier) et d’une demande en décharge (du 13 mars 1793). A Grenoble, chez J.-M. Cuchet. imp. du département de l’Isère, in-8°, 30 pages. - Ce rapport à été rédigé par François-Joseph Alméras-Latour, procureur général syndic.

Source : Une famille Viennoise au XVIIème et XIXème siècles : les Alméras et leurs alliances, par Roger DUFROID.

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